Le poisson-zèbre au cœur de la thérapie régénérative

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Le poisson-zèbre maîtrise un pouvoir étonnant : la régénération. En d’autres termes, il est capable de réparer et reconstruire des tissus endommagés à la suite d’une blessure ou d’une maladie. 

Ces petits poissons peuvent même aller jusqu’à régénérer leur cœur après une amputation. Si une partie du ventricule cardiaque du poisson-zèbre est coupée, elle se reconstruit complètement en deux mois, sans aucune cicatrice. Les cellules cardiaques, appelées cardiomyocytes, peuvent se dédifférencier, redevenir immatures, et proliférer pour remplacer le tissu cardiaque perdu.

Malheureusement, les mammifères ne possèdent pas ce talent. Les cœurs des humains et des souris adultes se parent des cicatrices permanentes. Les cellules du muscle cardiaque sont incapables de se diviser et de reconstituer un nouveau muscle, de sorte que si le cœur est endommagé, il le reste. Ils sont donc plus sujets aux conséquences des accidents vasculaires. 

Les crises cardiaques – et l’insuffisance cardiaque qui s’ensuit – contribuent activement à la mortalité et à la morbidité globale. « Exploiter la capacité régénérative du poisson-zèbre pourrait apporter des solutions pour prévenir l’insuffisance cardiaque et la cicatrisation fibreuse après une crise cardiaque« , explique Paul Riley, professeur de médecine régénérative à l’université d’Oxford.

L’équipe du professeur Riley cherche à comprendre comment le cœur se développe dans des conditions normales chez le poisson. L’objectif est d’identifier des cibles (cellules, tissus, ou microenvironnement cellulaire), actives chez le poisson-zèbre mais dormantes dans les cellules de mammifères, qui optimiseraient la réparation et la régénération.

Les chercheurs s’intéressent plus précisément à la réaction immunitaire des poissons face à une blessure, qui, en soi, empêche les nouvelles cellules de s’intégrer et de restaurer les zones lésées chez les mammifères. La comprendre pourrait permettre de restaurer les tissus endommagés après une lésion cardiaque (comme un infarctus)  chez ces derniers.

« Le poisson-zèbre est un excellent modèle car il est capable de régénérer son cœur même en présence de cicatrices« , ajoute le professeur Riley.

A l’inverse des poissons, les crises cardiaques chez les humains et souris adultes sont à l’origine de cicatrices sur le cœur. Il s’agit d’une réponse naturelle à la réparation. Les cicatrices peuvent être induites chez les poissons par cryo-blessure – une sonde métallique congelée est maintenue contre la surface du ventricule – mais contrairement aux mammifères, elles se régénèrent complètement avec le temps. Le tissu cicatriciel disparaît généralement au bout de 90 à 100 jours, comme si rien n’était jamais arrivé.

« Il est très important de comprendre comment les poissons cicatrisent de cette manière. Après induction de la cicatrice chez le poisson, nous observons comment elle se forme puis se résorbe, et les processus impliqués » explique le professeur Riley.

Ils ont notamment su montrer que l’épicarde, la couche interne du sac fibreux qui entoure le cœur, semble être essentiel au pouvoir régénératif des poissons. Sans lui, ils perdent cette faculté. L’épicarde sert d’échafaudage pour les nouvelles cellules et de soutien pour les nouveaux vaisseaux sanguins coronaires en formation. Il sert de support à la croissance des nouveaux tissus mais dirige également la division des cellules musculaires.

Le professeur Riley et son équipe ont passé au crible des cellules primaires humaines de patients pour trouver des activateurs de l’épicarde. Chez la souris, l’activation de l’épicarde suffit à augmenter le pouvoir régénératif du cœur des animaux. Il ne manque plus que de trouver une molécule capable de faire la même chose chez l’humain. 

« Les découvertes chez le poisson-zèbre ont des applications chez la souris. La souris est un très bon modèle génétique de crises cardiaques. Des mécanismes cellulaires ou moléculaires découvertes chez le poisson peuvent être rapportés à la souris grâce à des outils de modification génétique. Ces souris permettent notamment de valider des interventions thérapeutiques innovantes » commente le professeur Riley

En utilisant des poissons-zèbres dans les études préliminaires, il est possible de réduire le nombre de souris utilisées dans la recherche, mais aussi de raffiner les expériences pour lesquelles les souris sont utilisées, c’est-à-dire les optimiser pour réduire, supprimer ou soulager la douleur ou la détresse des animaux.

« Le poisson-zèbre est incroyablement résilient. Après une blessure, il se rétablit complètement et se remet à nager normalement dans les minutes qui suivent l’opération. Bien entendu, nous surveillons les animaux de près pour nous assurer qu’ils ne développent aucune complication. Nous sommes également très attentifs au type de blessures que nous causons et à la formation du personnel qui effectue la procédure. »

Le Pr Riley conclut : « À ce jour, il n’existe aucun modèle cellulaire, ni aucune étude in vitro, capable de dépeindre la régénération d’un organe dans un contexte 3D-multicellulaire. Cela ne nous empêche pas de travailler sur des lignées de cellules humaines lorsque cela est possible. Mais pour le moment, le poisson-zèbre reste indispensable pour obtenir un aperçu significatif de ce qui se passe dans l’organe pendant le processus de régénération et de cicatrisation. Notre travail transpose ensuite les découvertes faites chez le poisson-zèbre à des modèles de souris avant de passer à l’humain. C’est une approche vraiment intéressante pour étudier les voies clés conservées par l’évolution qui pourraient donner lieu à des solutions thérapeutiques. »


Article original rédigé pour UAR par Mia Rozenbaum

Traduction française : Mia Rozenbaum

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