Des chercheurs ont mis au point un nouvel outil génomique pour mieux comprendre la régénération tissulaire qui se produit chez les salamandres, des amphibiens ayant la capacité de régénérer intégralement leurs membres ou leurs organes lésés. De quoi avancer dans la compréhension des mécanismes en jeu dans la régénération des tissus, dans l’espoir d’arriver un jour à transmettre cette capacité à l’Homme.
La salamandre est une famille d’amphibiens regroupant plusieurs espèces ayant la capacité de régénérer intégralement un membre ou un organe lésé. Cette capacité, unique chez les vertébrés, est notamment étudiée par de nombreux chercheurs chez l’axolotl (Ambystoma mexicanum), une salamandre aquatique facile à élever en laboratoire. Cette espèce est connue pour sa capacité à demeurer toute sa vie à l’état larvaire, mais également pour sa capacité à régénérer ses membres et ses organes après amputation.
Pour la communauté scientifique qui étudie ce phénomène de régénération tissulaire, l’hypothèse est que cette capacité est inhérente à tous les vertébrés, mais qu’elle demeure inactive chez certaines espèces, et notamment chez l’Homme. Mieux comprendre les mécanismes en jeu chez l’axolotl pourrait nous aider à “réactiver” cette fonction dans l’espoir de pouvoir régénérer au moins partiellement nos organes et tissus lésés.
Le génome de l’axolotl, un obstacle de taille
Malheureusement, le chemin est encore long et semé d’embûches. En effet, l’un des obstacles majeurs pour les chercheurs est le génome de l’axolotl, c’est-à-dire l’ensemble de ses gènes. Or, seule une entière connaissance de son génome permettra aux chercheurs de percer les mystères de sa capacité de régénération tissulaire. Le génome de l’axolotl fait dix fois la taille du génome humain et est très répétitif.
Dans une étude parue ce 17 janvier dans la revue scientifique Cell Reports, des scientifiques du Birmingham and Women Hospital de Boston (États-Unis) sont parvenus à rassembler de nouvelles informations sur le génome de l’axolotl. Ils ont rassemblé une sorte de catalogue des gènes actifs dans différents tissus de l’axolotl, catalogue connu sous le nom de transcriptome. Concrètement, le transcriptome est la part de l’information génétique totale de l’individu qui est utilisée dans un tissu donné. Complémentaire du génome, le transcriptome donne de précieuses informations sur les gènes utilisés par un tissu.
Ainsi les chercheurs sont parvenus à identifier des gènes actifs ayant potentiellement un rôle dans la régénération tissulaire au sein de différents types de tissus comme les os, le cartilage, les muscles squelettiques, le cœur ou les vaisseaux sanguins. L’équipe s’est également intéressée au blastème, cette masse de cellules qui se forme chez l’axolotl peu après l’amputation d’un membre et qui entraîne la formation d’un nouveau membre. Ils ont ainsi observé que le gène kazald1 était particulièrement exprimé dans les cellules de ce blastème. Le rôle exact de ce gène, présent chez les mammifères notamment dans certains types de tumeurs, demeure inconnu.
De l’intérêt de partager les données scientifiques
Aussi, si le catalogue des gènes actifs dans les tissus ne permet pas encore de connaître le secret de régénération de l’axolotl, c’est une donnée précieuse dans ce sens pour la communauté scientifique. “Notre espoir, c’est que cette nouvelle ressource permettra de rendre l’axolotl accessible, non seulement aux chercheurs qui travaillent déjà sur cet organisme, mais aussi ceux d’autres domaines qui aimeraient s’y intéresser”, souligne Jessica Whited, co-auteure de l’étude. “Malheureusement, l’axolotl a longtemps été incompréhensible pour la majorité des scientifiques.” L’équipe a donc décidé de rendre ses données disponibles via un portail web (https://portals.broadinstitute.org/axolotlomics/) afin d’aider les scientifiques à mieux connaître ce modèle animal.
Hélène Bour
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