Alors que la pandémie de Covid-19 continue de s’étendre dans l’ensemble de la population humaine, la bataille contre le coronavirus SARS-CoV-2 passera nécessairement par la recherche animale. Le Dr Roger Le Grand, directeur de l’IDMIT*, répond à nos questions.
1. Pourquoi utiliser des animaux alors que le coronavirus ne semble se transmettre qu’entre humains et que les animaux ne développent pas cette maladie ?
Il est faux de penser qu’il s’agit d’une infection exclusivement humaine. Non seulement l’origine de ce virus est animale (le réservoir est sans doute la chauve-souris), mais on sait que d’autres espèces ont été infectées par ce coronavirus et ont développé des signes cliniques similaires à ce que l’on observe chez l’Homme.
2. Pourquoi travailler sur les modèles animaux alors que le ministre de la santé a autorisé des essais cliniques chez l’homme ?
Il y a plusieurs raisons à cela :
En premier lieu, la réalisation d’essais pré-cliniques sur des animaux permet de parfaitement contrôler ces essais, notamment le timing de l’infection.
De plus, afin de pouvoir tester rapidement chez l’Homme l’effet antiviral de molécules qui sont encore en développement, il est indispensable de les administrer préalablement à des animaux, notamment pour évaluer leur toxicité.
Enfin, pour illustrer un sujet d’actualité, l’utilisation de modèles macaques va permettre de compléter les informations cliniques sur les molécules repositionnées qui pourraient avoir un effet sur le SARS-CoV-2, en utilisant un groupe de primates témoin non traités et en étudiant les effets sur les tissus (ce qui pour des raisons éthiques, n’a pas été fait chez l’Homme).
Dans un second temps, lorsque l’épidémie de coronavirus sera bien contrôlée, on ne pourra plus tester de médicaments sur l’Homme puisqu’il n’y aura plus, à ce moment-là, de malades. C’est ce qui se passe entre chaque épidémie de virus Ebola. Il faudra donc nécessairement utiliser des modèles animaux afin de travailler pour préparer une prochaine épidémie de coronavirus.
3. Quels sont les modèles utilisés pour comprendre et lutter contre le SARS-CoV-2?
Aujourd’hui, on utilise principalement 3 modèles animaux :
- Le macaque (rhesus et cynomolgus)
- Le furet
- La souris, notamment la souris génétiquement modifiée avec le récepteur ACE2 (qui permet au virus de rentrer dans les cellules)
En complément de ces modèles animaux, il existe des modèles in silico et des modèles in vitro sur des cellules épithéliales de trachée.
4. En quoi les macaques sont-ils des modèles essentiels dans ce contexte?
Les macaques (rhesus et cynomolgus) infectés expérimentalement par le SARS-CoV2 développent des lésions pulmonaires avec une évolution clinique très comparable à ce que l’on peut observer chez l’Homme.
Si les souris génétiquement modifiées K18-hACE2 sont très utiles pour réaliser un premier criblage de molécules antivirales ou de candidats vaccins, les macaques dont le système immunitaire est très proche de notre système immunitaire, demeurent indispensables pour comprendre la physiopathologie du Covid 19, par exemple pour étudier la raison pour laquelle la gravité des symptômes est si étroitement corrélée avec l’âge des individus.
Après un premier criblage sur des souris génétiquement modifiées, les macaques sont utilisés pour sélectionner les molécules antivirales qui pourront être ensuite utilisées chez l’Homme. Il en est de même pour les candidats vaccins.
Il existe actuellement une coordination internationale, notamment par l’OMS, des centres de recherche utilisant les modèles PNH contre le Covid 19, impliquant la France, les Pays-Bas, la Chine et les Etats-Unis.
*IDMIT, est une infrastructure nationale pour la biologie et la santé, dédiée aux recherches précliniques via le développement de nouveaux modèles animaux (primates non humains) pour tester, évaluer et caractériser des vaccins et des stratégies thérapeutiques innovantes.