✒️ Une enquête statistique annuelle sur l’utilisation d’animaux à des fins scientifiques

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D’abord triennale, l’enquête statistique du ministère de la Recherche sur l’utilisation d’animaux à des fins scientifiques est devenue annuelle en 2014. Avec du retard, les résultats de celle de 2015 viennent d’être rendus publics. Verdict.

Depuis 1990 et jusqu’en 2010, la réglementation européenne imposait aux Etats membres et par conséquent au ministère français de la Recherche de réaliser une enquête statistique triennale afin de rendre compte de l’utilisation d’animaux à des fins scientifiques en France. Depuis, une nouvelle directive a rendu annuelle cette enquête statistique, et les résultats de celle de 2015 viennent tout juste d’être rendus publics.

Principaux grands chiffres et grandes tendances de l’enquête 2015, évolution depuis 2010, objets des études effectuées… On a fait le point.

La souris demeure l’animal le plus utilisé par les scientifiques

Sans surprise, l’enquête statistique de 2015 révèle que la souris est toujours l’animal le plus utilisé dans la recherche scientifique, à 52,9%, soit 1 007 245 spécimens, sur un total d’1 901 752. Viennent ensuite les poissons, toutes espèces confondues (22,2%), puis le rat (8,2%) et le lapin (5,6%). Ils précèdent dans le classement les volailles, les autres types d’oiseaux et les cochons d’Inde, dont la proportion est respectivement de 3,5%, 2,4% et 2,4%. Cochons, poissons zèbres, moutons, hamsters, bovins et chiens représentent chacun entre 0,1 et 0,6% des animaux utilisés à des fins scientifiques. Quant aux primates non humains (3 162 spécimens), ils représentent 0,17% des animaux seulement.

Mais si l’on est tentés de comparer ces résultats avec ceux de 2010 et de 2014 pour prendre du recul, le ministère le déconseille vivement. En effet, de nouvelles mesures réglementaires accompagnées de mesures transitoires jusque fin 2017 rendent difficiles les comparaisons avec les résultats antérieurs à 2015. L’enquête de 2015 ne prend en compte que les animaux pour lesquels les procédures expérimentales ont été terminées dans l’année en question. En outre, le nombre d’animaux ayant effectivement été utilisés et la sévérité exacte de la procédure ont été ajoutés.

Le périmètre de l’enquête de 2014 ayant lui aussi été réduit aux animaux pour lesquels les procédures expérimentales ont été terminées en 2014, il est malgré tout possible de citer à titre indicatif la proportion d’animaux selon les espèces, qui ne diffère que très peu de l’enquête 2015 : en 2014, la souris était déjà l’animal expérimental le plus utilisé (48,2%). Celui-ci était suivi des poissons, toutes espèces confondues (30,3%) puis du rat (7,4%) et du lapin (5%). Les primates non humains ne représentaient en 2014 que 0,06% des animaux.

Des animaux en grande majorité nés dans l’Union européenne

Concernant la provenance, l’enquête statistique 2015 révèle qu’une très grande majorité des animaux utilisés dans la recherche scientifique sont nés dans l’Union européenne (95%). Certains proviennent d’élevages agréés, d’autres d’élevages non agréés, catégorie qui comprend les animaux élevés au sein même de l’établissement qui les utilise, et ceux provenant d’établissements fournisseurs occasionnels (animaux de rente). En effet, la répartition des animaux en fonction des élevages agréés ou non agréés dépend de l’espèce : parmi les volailles, il y a surtout des spécimens provenant d’élevages non agréés, alors que c’est l’inverse pour les lignées d’espèces essentiellement destinées à la recherche, telles que les souris, les rats ou encore les cochons d’Inde.

La recherche fondamentale comme objet d’étude principal

L’enquête 2015 se poursuit en dévoilant l’objet des études pour lesquelles les animaux sont utilisés. Verdict : l’objet d’étude le plus fréquent est la recherche fondamentale (41%), suivie des recherches translationnelles ou appliquées (30%). Ces dernières sont menées pour trois grands aspects, à savoir :

  • la prévention, la prophylaxie, le diagnostic ou le traitement de maladies ;
  • l’évaluation, la détection, le contrôle ou les modifications des conditions physiologiques chez l’homme, les animaux ou les plantes ;
  • le bien-être des animaux et l’amélioration des conditions de production des animaux élevés à des fins agronomiques.

Le troisième objet des études (23%) concerne la mise au point, la production ou les essais de qualité/innocuité/efficacité de médicaments, pour un usage humain ou vétérinaire.Entrent aussi dans cette catégorie toutes les études au sujet de denrées alimentaires ou d’aliments pour animaux. Quant aux autres objets d’études, minoritaires, il s’agit de la maintenance de colonies d’animaux génétiquement altérés, de recherches en vue de la conservation des espèces menacées, ou encore d’animaux destinés à l’enseignement supérieur ou la formation de métiers nécessitant la manipulation d’animaux.

Primates, carnivores et furets les plus réutilisés

Afin de réduire le nombre d’animaux utilisés en recherche, il arrive qu’un animal déjà utilisé dans une procédure expérimentale soit inclus dans une nouvelle procédure. Cette mesure est évidemment strictement encadrée par la loi (Art. R. 214-113 du code rural et de la pêche maritime) et ne peut avoir lieu que lorsque quatre conditions sont réunies, notamment le fait que la gravité des procédures expérimentales précédentes ait été de classe “légère” ou “modérée”, et que l’animal ait pleinement recouvré son état de santé. En dehors des céphalopodes, dont un seul spécimen a été utilisé en recherche et réutilisé, soit 100% de réutilisation, les animaux les plus fréquemment réutilisés dans des procédures expérimentales en 2015 sont les primates non humains – singes écureuil (7 spécimens réutilisés sur 13, soit 54%), babouins (32%), macaques rhésus (22%) et macaques crabiers (8%) – , les carnivores (13%) et furets (10%).

Enfin, parmi les 7 235 animaux réutilisés en 2015, on compte 3 150 souris, 1 790 rats, 690 lapins, 332 cochons d’Inde, 255 porcs, 217 chiens et 217 macaques crabiers. Ainsi, si les primates sont les plus réutilisés en proportion, ils ne représentent pas un nombre important puisque chaque expérimentation sur primates ne s’effectue que sur un nombre réduit de spécimens.

Des procédures expérimentales légères à modérées

Tous types d’animaux confondus, les procédures expérimentales de classe légère sont les plus nombreuses (44%). Elles se définissent par leur degré de gravité, une procédure dite “légère” correspondant ainsi à une douleur, une souffrance ou une angoisse légère et de courte durée pour l’animal, et sans incidence significative sur son état de santé. Les procédures de classe modérée concernent 41% des procédures, tandis que les procédures de classe sévère et “sans réveil” représentent respectivement 10% et 5% de toutes les procédures. Du côté des espèces concernées, l’on constate que ce sont les poissons (hors poissons zèbres, 41%) qui sont les plus concernés par les procédures légères, tandis que les souris sont les plus utilisées pour des procédures modérées, sévères et sans réveil (respectivement 65%, 78% et 49%). Le rat est la deuxième espèce animale la plus concernée par des procédures sans réveil.

Une enquête peu connue du grand public

Cette enquête statistique rappelle enfin que parmi les quelques 1,9 million d’animaux utilisés à des fins scientifiques, 30% le sont pour satisfaire à des obligations législatives ou réglementaires. Et parmi ces 30%, plus des ¾ (84%) sont utilisés pour la validation de produits médicaux humains (64%) ou vétérinaires (20%). Les appareils médicaux sont placés en troisième position avec 7% des animaux utilisés, loin devant l’industrie chimique (3%).

Très détaillée et très chiffrée, cette enquête a le mérite d’être assez exhaustive et de donner un bon aperçu, à un instant donné, de l’utilisation des animaux dans le domaine scientifique en France. Mais sans doute du fait des nombreux chiffres, sans interprétation, qu’elle présente, elle demeure peu accessible au grand public, qui risque alors de garder ses a priori sur l’expérimentation animale, loin de la réalité du terrain. Reste à savoir si les enquêtes statistiques de 2016 et 2017 passeront moins inaperçues que celle de 2015, et surtout à quel moment elles seront rendues publiques.

Hélène Bour              

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