L’utilisation d’animaux à des fins scientifiques et réglementaires demeure indispensable malgré les avancées dans le développement de méthodes alternatives. La formation initiale de personnel spécialisé dans la recherche animale ou la gestion d’animaleries de recherche est un enjeu crucial pour la recherche de demain. Pour autant, s’orienter vers ces études n’est pas forcément une évidence. Afin de mieux comprendre les motivations des étudiants et les obstacles qu’ils ont pu rencontrer, nous avons recueilli les témoignages de 38 jeunes engagés dans cette filière, du baccalauréat au doctorat, ainsi que de jeunes diplômés récemment embauchés.
Voici un aperçu de leurs parcours et de leurs réflexions.
Les raisons de ce choix
Parmi les raisons qui ont poussé ces étudiants à choisir la filière de la recherche animale, l’envie de travailler avec les animaux et de participer à leur bien-être arrive en première place, avec trois quarts des réponses portant sur cet aspect. « J’ai choisi cette formation pour l’amour des animaux ainsi que la réunion de la recherche avec les animaux », confie Tao, actuellement en classe de terminale professionnelle. Amélia, doctorante, présente des raisons similaires : « Je voulais allier mon amour pour l’animal avec mon envie de développer des connaissances en neurosciences. »
Éline, étudiante en deuxième année de master, et Robin, doctorant, nous ont respectivement répondu : « J’ai choisi cette filière par amour pour les animaux. Il me paraît très important de faire de la recherche à ce sujet pour améliorer la connaissance sur les animaux, pour mieux les connaître et les soigner » ; « Mon envie de faire progresser les connaissances sur le bien-être animal ».
Ces témoignages démontrent une affection particulière des étudiants, tous niveaux confondus, envers les animaux et leur bien-être.
Amoureux des sciences et des animaux, cette filière apparaissait comme une évidence. Mon idée était simple : faire avancer la science tout en améliorant toujours plus les conditions vie et le bien-être des animaux.
Léo, détenteur d'un master spécialisé en recherche animale
L’autre grande raison qui a poussé ces étudiants à choisir cette voie est l’aspect scientifique du parcours. Nadia, détentrice d’un master, nous a répondu que son choix était grandement dû à « l’intérêt scientifique, l’envie de faire progresser les connaissances, l’envie de développer de nouvelles thérapies ».
Yaëv, aussi diplômée d’un master en rapport avec la recherche animale, répond dans la même direction : « Pour le but final de la recherche : tenter de trouver des traitements pour des personnes atteintes de maladies qui n’en présentent pas et améliorer leur quotidien. »
Enfin, Ella, actuellement en terminale professionnelle, nous dit : « J’ai choisi cette filière car j’ai toujours voulu travailler en laboratoire au service de la recherche scientifique afin de faire avancer la science sur différente pathologie, créer des vaccins et peut‑être sauver des vies. »
Un chemin pouvant être semé de doutes
Pour autant, malgré les motivations qui ont incité ces étudiants à s’engager dans des études liées à la recherche animale, des doutes – liés ou non à un contexte social ou familial – ont pu émerger chez certains d’entre eux. Ainsi, bien que deux tiers des répondants affirment n’avoir jamais remis en question leur choix ni subi d’influence de leur entourage pour emprunter une autre voie, certains ont tout de même traversé des périodes de doute au cours de leur parcours.
Fait surprenant : aucun des lycéens ayant répondu à notre enquête n’a indiqué avoir douté.
Sans aller jusqu’à les inciter à changer de filière, Mathilde, doctorante, explique que ses « proches sont parfois dubitatifs, car ils pensent qu’on utilise les animaux “pour rien” et en excès », et Céleste, étudiante au niveau bac+3 : « Des proches m’ont dit que c’était triste que je fasse ça. »
Évidemment, c'est très mal vu par la société. Je me remets constamment en question et je pense que c'est nécessaire pour être sûr que ce qu'on fait est en accord avec nos principes/valeurs, et pour faire avancer la science tout en respectant le bien-être animal. Mes proches étaient plutôt intrigués et me posaient des questions pour mieux comprendre ce domaine. Ils ne pensaient pas que je pourrais faire ça car j'aime les animaux. Mais pour moi, il est nécessaire d'aimer les animaux pour être dans ce domaine !
Isaline, diplômée d'un master
Les élèves sont conscients que l’utilisation des animaux en recherche est destinée à diminuer, voire à cesser complètement dans un futur plus ou moins proche, comme nous l’a raconté Chloé, en dernière année de master : « J’ai déjà douté de ce choix, car pour moi, dans le futur, nous serons amenés à ne plus pouvoir travailler avec les animaux. »
D’un autre côté, Éline, en première année de master : « J’ai quelques proches qui m’ont montré qu’ils n’étaient pas vraiment favorables à ce que je poursuive cette voie, car ils sont contre l’expérimentation animale, mais c’est pour moi dû à un manque d’information. »
Dans le même esprit d’une volonté de confronter les idées reçues sur la recherche animale, Lou-Anne, actuellement en fin de master : « J’aime casser les idées reçues sur l’expérimentation animale avec mes proches. »
Enfin, Léo montre que ces études ne mènent pas forcément aux métiers de paillasse et que des doutes émergent malgré tout : « Personne ne m’a vraiment poussé à abandonner ce choix. On m’a juste fait remarquer que c’était un métier potentiellement difficile émotionnellement. De mon côté, par contre, j’ai douté car le monde de la paillasse ne me correspondait pas. Mais le doute ne vient pas du milieu en lui-même. »
Des formations riches en apprentissage
Les formations scolaires et universitaires liées à la recherche animale ont pour objectif de former des professionnels qualifiés qui sauront mener des projets scientifiques et prendre soin des animaux utilisés. En effet, 2/3 des répondants mentionnent le bien-être animal dans leur réponse.
Les étudiants interrogés soulignent l’importance de principes fondamentaux tels que la réglementation, l’éthique et le bien-être animal, ainsi que des aspects pratiques et scientifiques. Le principe des 3R (Remplacement, Réduction, Raffinement) est souvent mis en avant comme un pilier de la formation. Comme le précise Pierre, en terminale professionnelle : « le respect et l’éthique envers les animaux est primordial au sein de la recherche animale, la règle des 3R et le replacement des animaux. »
La réglementation, essentielle pour encadrer l’utilisation des animaux dans la recherche, est également au cœur des apprentissages. Lou-Anne explique que sa formation lui a permis d’acquérir « tout ce qu’il y a à savoir sur la réglementation liée à l’utilisation des animaux à des fins scientifiques, la nécessité de l’utilisation des animaux dans la recherche, les méthodes alternatives et une petite partie de ce que peut être le management. » Une connaissance confirmée par Isaline, qui liste : « les réglementations pour la mise en place d’un médicament sur le marché, le bien-être animal, la nécessité pour le moment d’utiliser des animaux pour cette recherche, bien que des méthodes alternatives se mettent petit à petit en place. »


Ella partage le fait que cette formation lui a apporté « une vision et une approche de l’animal différente. En effet, le bien-être animal doit être respecté, car ce sont des êtres vivants ayant des émotions tout comme nous. » Un point appuyé par Céleste, en première année de master : « j’ai tant appris sur le bien-être animal que cela a amélioré mes comportements envers les animaux de mon quotidien (sauvages et de compagnie), et je suis maintenant une meilleure humaine pour eux. »
Au-delà de la réglementation et de l’éthique, les étudiants acquièrent des compétences techniques et scientifiques variées. Louise, en dernière année de master, met en lumière l’étendue des connaissances : « principes des 3R et du bien-être animal, nombreuses connaissances scientifiques (physiologie, biologie cellulaire, statistiques, immunologie…). » De son côté, Léo ajoute : « ma formation m’a appris à comprendre les organismes modèles, tant dans leurs intérêts pour la recherche que pour combler au mieux leur bien-être et leurs besoins. J’ai aussi pu découvrir le concept d’éthique animale ainsi que la législation qui entoure ce milieu. Enfin, évidemment, j’ai pu acquérir des compétences techniques permettant de travailler avec les animaux. »
Beaucoup de choses sont mises en place pour améliorer le bien-être des animaux, en plus de la volonté de réduire le nombre d’animaux utilisés. Les laboratoires ne sont pas ce que l’on voit dans les vidéos.
Audeline, diplômée d'un master
Malgré les différences de niveaux d’études, les mêmes concepts primordiaux sont transmis aux étudiants afin de mettre l’animal au centre des questionnements éthiques et scientifiques.
Leur apport une fois dans la vie active
Ces actuels étudiants et récents diplômés affirment qu’ils apporteront leur motivation et leurs bonnes idées au milieu de la recherche animale.
Ophélie, élève de première, espère « pouvoir aller plus loin encore dans le bien-être animal », idée partagée par Ella qui souligne à son tour : « je pense que nous pourrions pousser le bien-être animal plus loin encore en trouvant d’autres méthodes ou en améliorant les conditions de vie des animaux. » Pierre, quant à lui, met en avant : « l’amélioration du bien-être animal, le développement du replacement des animaux et le développement de nouvelles alternatives. »
De nombreux étudiants ont aussi mentionné leur envie de communiquer sur ce qui se passe vraiment dans les animaleries de recherche, pour mieux faire comprendre l’importance de la recherche animale. Florent, étudiant en première année de master, insiste ainsi sur l’importance de « communiquer sur le rôle de l’expérimentation animale dans la recherche », souhait partagé par Éloïse, également en première année de master, qui espère « développer la transparence ». Lou-Anne espère « trouver des moyens d’en parler de la bonne manière pour casser les idées reçues ». Elle ajoute aussi : « et si je poursuis dans cette voie j’espère travailler dans la recherche pour le bien-être animal notamment pour les animaux d’élevage : ce sont ceux-là qu’on utilise le plus et qui sont le moins bien traités. » Isaline insiste sur la méconnaissance du grand public : « j’aimerais beaucoup que ce domaine soit plus/mieux connu pour montrer la nécessité de ce travail. J’aimerais donc plus de transparence : la société critique car elle ne connaît pas et a peu de moyens de connaître, elle voit seulement les vidéos qui marchent où l’on voit des animaux. »
Une communication transparente vis-à-vis de l’expérimentation animale et dédramatiser. J’aimerais venir à une Fête de la Science avec des rats et parler avec les gens de ce qu’on fait !
Mathilde, doctorante
Dans l’ensemble, les répondants insistent donc sur l’amélioration continue du bien-être animal ainsi que sur une transparence toujours plus importante. Voici quelques‑unes de leurs réponses :
- Leïla, étudiante en première année de master : « améliorer certaines méthodes/en développer de nouvelles pour maximiser le bien-être animal et surtout réduire au maximum les interventions sur animaux (dans la mesure du possible), ce qui pourrait notamment réduire la souffrance compassionnelle liée à ces activités. »
- Élisa, étudiante en première année de master : « améliorer le bien-être animal, améliorer les pratiques, développer la transparence, la communication et la transmission d’informations et de connaissances. »
- Dahlia, détentrice d’un master : « aller plus loin encore dans le bien-être animal, changer la vision du grand public sur l’utilisation des animaux dans la recherche. »
- Léo : « j’espère apporter surtout au niveau du grand public, à ceux qui ne savent pas ce qui se passe dans nos laboratoires, pourquoi il est encore crucial d’utiliser des animaux en recherche et en toxicologie. Mais surtout je souhaite leur faire comprendre que ces métiers ne sont pas créés pour faire du mal aux animaux mais bien pour leur assurer le plus grand degré de bien-être possible durant et en dehors des procédures. »
- Nadia, diplômée d’un master : « contribuer à l’amélioration du bien-être animal en recherche, développer et favoriser la transparence et la communication avec le public. »
L’évolution de certaines pratiques, ayant aujourd’hui de meilleures alternatives, est aussi mentionnée par Alexia, diplômée d’un master : « changer les pratiques considérées comme limites ou dépassées » ; mais aussi par Mélina, également diplômée d’un master : « amélioration des pratiques par rapport aux réglementations actuelles et à venir, former (et reformer) correctement les personnes travaillant avec des animaux, changer l’opinion sur l’expérimentation animale en développant la transparence (réalisation de visites au public etc.). »
Robin, de son côté, souhaite apporter « des connaissances sur les états émotionnels des animaux et comprendre leur rapport à la douleur ».
Enfin, Morgane, détentrice d’un master, conclut : « continuer à participer à la mise sur le marché de nouveaux dispositifs médicaux tout en respectant le bien-être animal et la règle des 3R, trouver des méthodes alternatives quand cela est possible, développer la transparence dans ce domaine. »
En somme, tous évoquent des ambitions communes axées sur l’amélioration du bien-être animal, la transparence auprès du public et le développement de méthodes alternatives. Cette nouvelle génération semble déterminée à innover tout en poursuivant les principes éthiques déjà en place.
Conclusion
Parmi ces témoignages d’étudiants et de professionnels récemment diplômés, quel que soit leur niveau d’étude ou leur genre, tous rapportent que ce choix de carrière est la résultante d’une forte affection et un fort respect pour l’animal, d’une envie de faire progresser la science, pour toutes et tous. Ils souhaitent aussi faire comprendre au grand public pourquoi et comment les animaux sont utilisés à des fins scientifiques et règlementaires.
Ce qu'il faut retenir
- Le bien-être animal est l'aspect scientifique sont les 2 grandes raisons pour lesquelles les étudiants ont choisi ces études.
- Les étudiants souhaitent encore plus renforcer la transparence.
- La seule catégorie d'étudiants n'ayant jamais douté de leur choix est la catégorie des étudiants.