Les 14 et 15 février dernier, scientifiques, vétérinaires, communicants et représentants d’organisations européennes et nord-américaines se sont réunis à l’occasion de la 5e conférence de la Déclaration de Bâle, pour discuter de “l’ouverture et la transparence” dans la recherche animale. Résumé de ce qu’il s’y est dit.
C’est sans doute la thématique la plus incontournable et délicate de ces dernières années concernant l’expérimentation animale.
La question de l’amélioration de la transparence en recherche animale et de la compréhension du public était cette année au coeur de la cinquième conférence internationale annuelle de Société de la Déclaration de Bâle (SDB), qui s’est tenue à San Francisco aux Etats-Unis, les 14 et 15 février dernier. Durant deux jours, plus de cent scientifiques, vétérinaires, communicants et administrateurs d’organisations d’Europe et d’Amérique du Nord ont discuté et tenté d’apporter de nouvelles idées sur la thématique: « Ouverture et transparence : bâtir la confiance dans la recherche animale ».
La Déclaration de Bâle, un regroupement de la communauté scientifique pour le bien-être animal et l’information du public
Tout comme la Déclaration d’Helsinki qui a durablement modifié le paysage éthique de la recherche clinique humaine, la Déclaration de Bâle s’est donné pour objectif de rassembler les acteurs de la communauté scientifique afin de poursuivre la mise en oeuvre des principes éthiques quant à l’utilisation d’animaux dans la recherche comme la règle des 3R. La Déclaration de Bâle, qui appelle à plus de transparence et d’échanges entre les scientifiques et le grand public concernant la recherche animale, a été adoptée le 29 novembre 2010. La société qui assure sa promotion a quant à elle été fondée le 5 octobre 2011, et agit pour promouvoir cette déclaration et veiller à ce que ses engagements soient tenus.
Cette 5e édition de la conférence internationale annuelle a été organisée par la Société de la Déclaration de Bâle, en collaboration avec l’association américaine pour le progrès médical (AMP), l’association nationale pour la recherche biomédicale (NABR) et la Fondation pour la recherche biomédicale (FBR).
Donner à chacun des pistes de réflexion pour agir
Au cours de la journée du 14 février, dont le résumé a été publié par le site Speaking of Research, onze intervenants ont abordé différents aspects relatifs à la transparence en recherche animale.
Après le discours du président de la SDB, Rolf Zeller, la journée a commencé avec une question centrale, soulevée par Dario Ringach, chercheur à l’Université de Californie à Los Angeles : pourquoi l’Homme est-il autorisé à nuire aux animaux pour faire avancer la science et la médecine ? De quel droit l’espèce humaine se permet-elle cela ? Pour le chercheur, qui a fait part de sa réflexion dans un article paru dans l’American Journal of Medical Science, ce n’est pas un droit, mais une obligation morale. Les capacités de l’Homme pour combattre la souffrance humaine et animale créeraient un impératif moral. En somme, c’est parce que l’Homme est en capacité de guérir des maladies qu’il se doit moralement de le faire, même si cela peut engendrer une souffrance animale.
De son côté, le chercheur Bill Newsome, qui travaille sur des primates à l’Université de Stanford, a expliqué le rôle important voire primordial des primates dans la recherche en neurosciences, rappelant que ces animaux sont plus proches de l’homme de 20 millions d’années d’évolution que la souris.
Crainte d’être la cible de critiques, de se faire une mauvaise presse, manque de temps, sensation de ne pas être concernées… pour le Dr Larry Carbone, de l’Université de Californie à San Francisco, les raisons expliquant le manque de transparence des institutions sont multiples.
Malgré tout, des initiatives encourageantes et remarquables ont récemment vu le jour, notamment le Lab Animal Tour de l’association britannique Understanding animal research, qui a été plutôt bien accueilli par les associations de défense du bien-être animal.
Des idées reçues à combattre des deux côtés
Pour le professeur Stefan Treue, de la SDB, de nombreux mythes et idées reçues demeurent à combattre si l’on veut que le grand public ait une meilleure opinion de la recherche animale. Selon lui, une partie de l’opinion estime encore que la recherche animale est synonyme de torture, qu’elle est inutile, axée sur le profit ou encore qu’elle ne donne pas de résultats applicables à l’Homme. Ces idées reçues se doivent d’être combattues point par point à l’aide d’arguments solides. Mais pour ce faire, faut-il encore que la communauté scientifique elle-même se débarrasse de ses idées reçues sur la communication autour de l’expérimentation animale : qu’une discussion sur ce sujet n’apporte qu’une opinion négative, que les critiques et les doutes exprimés seeront mal utilisés par des activistes, que les scientifiques seront pris pour cibles, etc…
Un concordat au Royaume-Uni, et bientôt aux Etats-Unis ?
Directrice générale de l’association Understanding Animal Research, Wendy Jarrett, qui a retracé l’histoire du Royaume-Uni en termes de recherche animale, de l’extrémisme radical à la période actuelle de transparence, a souligné les bénéfices du Concordat sur la transparence en recherche animale. Ce dernier est un accord signé aujourd’hui par 118 organisations britanniques (universités, associations, sociétés savantes, entreprises,…) s’engageant à aider le public à mieux comprendre la recherche sur animaux. Pour Wendy Jarett, un tel Concordat pourrait aux Etats-Unis améliorer la perception de la recherche animale par le grand public et apaiser les relations souvent houleuses entre détracteurs et scientifiques.
Rebondissant sur cette thématique, Tom Holder, du site Speaking of Research, a évoqué l’opposition croissante à la recherche animale aux Etats-Unis et un potentiel effet bénéfique du Concordat. Son discours a porté sur les raisons pour lesquelles les instituts de recherche bénéficieraient d’une plus grande transparence : cela leur fait de la publicité dans les médias, apporte ténacité et réactivité au sein de l’institution, aide à collaborer avec des médias et des journalistes ou encore empêche les groupes et associations contre la recherche animale de qualifier celle-ci de secrète et mystérieuse. Les instituts scientifiques auraient tout à gagner ou presque à communiquer sur les études qu’ils mènent sur des animaux, en commençant par en parler sur leur site web, indique Tom Holder.
Servan Grüninger, du groupe de réflexion suisse Reatch, a tenté d’expliquer aux participants comment bien parler de recherche animale à son auditoire, pour que la communication fonctionne. Les composants essentiels à mettre en place sont les suivants :
– connaître son auditoire,
– identifier les désaccords,
– élaborer des suggestions afin de répondre au mieux aux préoccupations de l’auditoire.
Le communiquant assure que le fait de reconnaître certaines réalités de la recherche animale, notamment celle que les animaux souffrent, supprime l’argument de l’adversaire et ouvre la discussion.
Enfin, Ann Turner, de l’American Association for Laboratory Animal Science, a clôturé la présentation de ce 14 février en donnant un aperçu des activités de son association. Celle-ci a ainsi présenté plusieurs sites web traitant de la recherche animale, notamment la Fondation AALAS et le site web à destination des enfants Kids4Research. Mais la ressource la plus populaire et la plus remarquable d’AALAS est sans nulle doute celle portant sur le rôle des animaux dans les découvertes médicales, qui détaille les prix Nobel de médecine et de physiologie depuis 1904 et les animaux qui ont été utilisés pour chacun d’eux.
Cette cinquième conférence de la Déclaration de Bâle s’est poursuivie par des ateliers de réflexion sur la manière dont scientifiques et institutions peuvent progresser pour plus de transparence dans la recherche animale. Pour toucher la jeune génération, les réseaux sociaux ont été évoqués comme un outil de premier ordre, outil d’ores et déjà très utilisé, et depuis longtemps, par les associations contre la recherche animale…
Hélène Bour
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