Suite à une demande de la Commission européenne, le Comité scientifique des risques sanitaires, environnementaux et émergents (CSRSEE) a mis à jour son avis datant de 2009 sur l’utilisation de primates dans la recherche. Voici ce que l’on peut en retenir.
La législation européenne, qui constitue l’une des plus strictes concernant l’utilisation d’animaux à des fins scientifiques, oblige la Commission européenne à réexaminer régulièrement la directive sur la protection des animaux, et en particulier sur l’utilisation des primates. Le but : faire le point sur l’état actuel des données et des avancées en matière de recherche.
Pour ce faire, la Commission européenne a fait une nouvelle fois appel au CSRSEE (SCHEER en anglais), le Comité scientifique des risques sanitaires, environnementaux et émergents. Celui-ci avait émis en 2009 un avis sur l’utilisation des primates en recherche biomédicale, en production et validation de médicaments et dispositifs médicaux. Cet avis vient d’être mis à jour pour prendre en compte la nouvelle réglementation et l’évolution des connaissances scientifiques.
En 2014, moins de 9 000 procédures, sur cinq principaux domaines
Pour l’année 2014, 8 898 procédures scientifiques ont été menées sur primates au sein de l’Union européenne, une procédure correspondant à l’utilisation d’un animal. Ces procédures couvrent principalement cinq domaines de recherche, que sont les essais précliniques de développement et de sécurité des produits pharmaceutiques et des dispositifs médicaux, la prévention et le traitement des maladies infectieuses, les neurosciences, l’ophtalmologie et les transplantations.
Concernant la principale utilisation des primates, à savoir les essais d’innocuité des produits pharmaceutiques, celle-ci a généralement lieu après des essais concluants sur des rongeurs, avant de passer aux essais cliniques sur l’homme. En effet, pour qu’un produit pharmaceutique puisse accéder au marché, il doit avoir fait ses preuves lors d’essais préliminaires en laboratoires, lors d’essais précliniques sur animaux, puis confirmer ses bénéfices lors d’essais cliniques chez l’homme. Dans certains domaines, le rongeur n’est pas assez proche de l’homme pour que soient extrapolés les résultats, il faut alors tester le médicament sur une autre espèce, généralement le chien. Mais il arrive que les primates soient plus appropriés pour tester le principe actif, au vu de leurs ressemblances anatomiques ou physiologiques avec l’espèce humaine. C’est notamment le cas pour les médicaments pouvant avoir des effets sur les organes reproducteurs féminins, sur la fertilité, sur les yeux, mais c’est aussi le cas des biomédicaments comme les anticorps monoclonaux, ou les produits à propriétés psychoactives.
Des méthodes de substitution en plein développement
Dans son avis, le CSRSEE détaille les substituts existants à l’utilisation de primates non-humains, tant dans le domaine des essais d’innocuité des médicaments que dans la recherche sur les maladies infectieuses, les neurosciences et l’ophtalmologie.
Concernant les maladies infectieuses par exemple, de “grands progrès ont été réalisés”, note le CSRSEE : “il s’agit notamment de technologies telles que la génomique et la protéomique, de nouvelles techniques de culture cellulaire, le développement d’organoïdes, des techniques d’imagerie à développement rapide et la recherche télémétrique sur les maladies infectieuses”, énumère le comité. “Les modèles d’essais sur l’homme et le développement de modèles de souris humanisées et d’animaux autres que des mammifères constituent d’autres avancées et les primates non humains ont été entièrement remplacés dans le cadre des essais de neurovirulence des vaccins contre la poliomyélite”, ajoute-t-il.
Quant au cerveau, il peut désormais aussi être étudié par des techniques non invasives fournissant des images suffisamment détaillées de la structure et de l’activité cérébrales, telles que l’IRM ou l’électroencéphalographie. Pour autant, certaines études nécessitent encore la pose d’électrodes intracérébrales, pour rendre compte de l’activité des cellules et de la façon dont elles traitent les informations.
Renforcer l’application des 3R
Pour le CSRSEE, les choses vont donc dans le bon sens, mais il faut continuer à chercher des moyens et des nouvelles techniques pour se passer des primates non humains. Afin de limiter au maximum le nombre de primates utilisés, les chercheurs sont encouragés à recueillir le plus grand nombre de données possibles par animal et par expérimentation, et de les faire partager à la communauté scientifique, même s’ils obtiennent des résultats négatifs.
L’évaluation du bien-être des primates utilisés doit être renforcée, afin d’être en mesure d’améliorer les conditions d’élevage et les procédures.
Pourquoi une interdiction n’est pour l’heure pas souhaitable
Le CSRSEE considère pour l’heure difficile de programmer l’abandon des primates pour la recherche, car le remplacement complet de leur utilisation est lié à une série de facteurs (disponibilités de fonds et ressources pour mettre en place des méthodes de substitution, progrès pour évaluer ces méthodes, nouveaux besoins scientifiques notamment concernant l’émergence de nouvelles maladies infectieuses, où le primate demeure le modèle le plus pertinent) dont la temporalité est très incertaine.
Et tant qu’il n’y a pas de méthodes de substitution validées dans tous les domaines, une interdiction totale de l’utilisation des primates n’est pas envisageable ni souhaitable, selon le Comité, car celle-ci “empêcherait de progresser dans certains domaines de recherche et rendrait certaines études d’innocuité impossibles, du moins en Europe”.
Si une telle mesure venait à être adoptée, la recherche sur primates serait transférée hors de l’Union européenne, “dans des pays où les normes de bien-être animal […] sont en général moins rigoureuses”, souligne le CSRSEE.
En attendant de pouvoir se passer définitivement des primates en recherche, l’utilisation de ces animaux doit être déterminée au cas par cas, et mise en place uniquement si aucune autre option viable n’est envisageable, rappelle le CSRSEE.
Enfin, dans cette mise à jour de son avis, le comité scientifique formule 23 recommandations sur la mise en œuvre des 3R, et sur la façon de surmonter certains obstacles à cette mise en œuvre.
Hélène Bour
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