đŸŽ™ïž Comment le poisson zĂšbre contribue aux connaissances sur les troubles de l’autisme ?

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Christelle Golzio

Le poisson zĂšbre aide la recherche Ă  percer les mystĂšres de la gĂ©nĂ©tique sous-jacente Ă  l’autisme. Ce poisson tropical, qui ne dĂ©passe pas cinq centimĂštres Ă  l’Ăąge adulte, est, Ă  premiĂšre vue, bien Ă©loignĂ© de l’ĂȘtre humain. Il est pourtant un modĂšle de choix dans l’étude de la gĂ©nĂ©tique et des mutations de l’ADN. Pour en savoir plus, le Gircor a Ă©changĂ© avec Christelle Golzio, chercheuse Inserm Ă  l’Institut de gĂ©nĂ©tique et de biologie molĂ©culaire et cellulaire (IGBMC – CNRS/Inserm/UniversitĂ© de Strasbourg) et spĂ©cialiste de l’étude des variations gĂ©nĂ©tiques dans l’autisme.

Dans quel contexte s’intĂšgrent vos recherches et quel est leur objectif ?

Christelle Golzio : Lorsqu’un enfant prĂ©sente des troubles autistiques ou une possible atteinte des fonctions cognitives, le clinicien demande un sĂ©quençage de son ADN afin d’en dĂ©terminer des causes gĂ©nĂ©tiques. Les technologies de sĂ©quençage identifient trĂšs bien les variations de l’ADN, il peut s’agir de variations ponctuelles impliquant une base de l’ADN ou des rĂ©arrangements de grande taille impliquant des larges fragments de chromosomes. Les cliniciens classifient ces variations selon la causalitĂ© probable de la variation gĂ©nĂ©tique dans l’apparition de la maladie du patient. Dans certains cas, l’interprĂ©tation de ces variations identifiĂ©es reste difficile et c’est, dans ce cadre-lĂ , qu’interviennent les recherches menĂ©es dans mon laboratoire.

Nous utilisons des modĂšles animaux, dont le poisson zĂšbre, afin de modĂ©liser les variants gĂ©nĂ©tiques repĂ©rĂ©s chez les patients et de dĂ©terminer s’ils ont un effet dĂ©lĂ©tĂšre sur la fonction du gĂšne ou non. Nos travaux visent Ă  la fois Ă  identifier des gĂšnes responsables de traits autistiques et Ă  caractĂ©riser en dĂ©tail comment ils participent au dĂ©veloppement du cerveau et d’autres organes lors du dĂ©veloppement fƓtal.

En apparence, le modĂšle de poisson zĂšbre est assez Ă©loignĂ© de l’humain. En quoi est-il particuliĂšrement adaptĂ© aux questions que vous vous posez sur l’autisme ?

Larve de poisson zĂšbre – CrĂ©dits photo : Dr. Marie-Laure Durand

CG : Ce modĂšle prĂ©sente plusieurs avantages. Le principal est que 70 % des gĂšnes sont conservĂ©s entre le poisson zĂšbre et l’humain, ce qui est trĂšs important ! Cela nous permet de faire des modĂ©lisations de pathologies humaines sur un organisme entier et donc d’étudier de nombreux phĂ©notypes, c’est-Ă -dire les traits observables d’un organisme qu’ils soient anatomiques, physiologiques, molĂ©culaires ou comportementaux.

Un autre avantage est que la croissance de ce poisson se fait Ă  l’extĂ©rieur du corps de la femelle. Celle-ci produit des centaines d’Ɠufs par ponte qui sont fertilisĂ©s dans l’eau par le sperme du mĂąle. Les observations des stades de dĂ©veloppement larvaire, en particulier la formation du cerveau, se font donc ex utero. La transparence des larves facilite, Ă  leur tour, l’utilisation de mĂ©thodes d’imagerie non-invasive. De plus, le dĂ©veloppement du poisson zĂšbre est trĂšs rapide. À cinq jours de vie, les larves ont dĂ©jĂ  un systĂšme nerveux complĂštement fonctionnel et la majoritĂ© de leurs organes sont formĂ©s.

Quelles manifestations de l’autisme Ă©tudiez-vous en particulier sur ce modĂšle ?

CG : Nous suivons plusieurs manifestations de l’autisme Ă  commencer par l’impact de mutations sur le dĂ©veloppement du cerveau. Pour cela, nous comparons des larves modifiĂ©es gĂ©nĂ©tiquement Ă  des larves de poisson zĂšbre « sauvage Â». Nos observations par imagerie suivent le devenir de progĂ©niteurs neuronaux, c’est-Ă -dire les cellules Ă  l’origine de la formation des neurones. L’objectif est de s’assurer qu’elles se divisent correctement, qu’elles n’entrent pas en mort cellulaire, qu’elles se diffĂ©rencient bien en neurones, etc. Nous suivons Ă©galement la distribution des neurones dans les diffĂ©rentes rĂ©gions du cerveau. Cela peut paraĂźtre surprenant, mais le poisson zĂšbre possĂšde un cerveau assez organisĂ©. Bien que le cerveau du poisson zĂšbre ne prĂ©sente pas de gyration comme chez l’humain, il prĂ©sente toutes les structures cĂ©rĂ©brales essentielles pour la motricitĂ©, l’identification de signaux sensoriels, l’apprentissage et la mĂ©moire, qui sont Ă©quivalentes Ă  celles de l’humain.

Nous rĂ©alisons Ă©galement des tests de comportement sur la larve ou le jeune poisson adulte. En effet, cet animal vit en banc, il est donc de nature trĂšs sociable. Au cours de nos expĂ©riences, nous nous intĂ©ressons Ă  l’organisation sociale dans les aquariums : est-ce que les bancs s’organisent normalement ? Y a-t-il des dĂ©fauts de sociabilitĂ© ou la prĂ©sence d’agressivité ? Ces recherches servent Ă  caractĂ©riser les consĂ©quences de mutations de gĂšnes d’autisme sur le plan cognitif.

Le poisson zĂšbre permet-il Ă©galement d’étudier les co-morbiditĂ©s de l’autisme, c’est-Ă -dire les atteintes sur d’autres organes que le cerveau ?

CG : Oui, complĂštement. Entre 70 et 80 % des formes d’autisme sont dites syndromiques, ce qui signifie qu’il y a des atteintes sur d’autres organes. On observe en particulier des effets sur le systĂšme nerveux entĂ©rique qui entraĂźne des troubles gastro-intestinaux. L’intestin est considĂ©rĂ© comme notre deuxiĂšme « cerveau Â», car il dispose lui aussi des neurones. GrĂące au poisson zĂšbre, nous Ă©tudions justement comment des mutations gĂ©nĂ©tiques affectent la façon dont les neurones se forment et colonisent le systĂšme digestif.

Une de nos expĂ©riences consiste, par exemple, Ă  faire ingĂ©rer des billes fluorescentes Ă  des larves et de les suivre le long du tractus intestinal. L’idĂ©e est de dĂ©tecter d’éventuels blocages synonymes d’une diminution de la motilitĂ© de l’intestin qui se manifeste par des phases de constipation sĂ©vĂšres, des diarrhĂ©es, etc.

Une fois que l’impact fonctionnel des gĂšnes est dĂ©montrĂ© chez l’animal, quelle est l’étape suivante ?

CG : Une fois le gĂšne et son impact identifiĂ©s, on va vouloir corriger certains phĂ©notypes. À nouveau, le poisson zĂšbre est un trĂšs bon modĂšle, car il nous permet de tester rapidement l’effet de plusieurs dizaines de drogues en mĂȘme temps. Celles-ci peuvent ĂȘtre directement dissoutes dans l’eau et l’on peut observer facilement si elles amĂ©liorent le dĂ©veloppement du cerveau et/ou attĂ©nuent certains comportements chez la larve de poisson zĂšbre. Les traitements les plus prometteurs peuvent ensuite ĂȘtre testĂ©s dans un modĂšle mammifĂšre comme la souris. En ce sens, les premiĂšres Ă©valuations sur les larves de poisson zĂšbre contribuent Ă  rĂ©duire le nombre de mammifĂšres utilisĂ©s lors des phases de validation de drogues et donc de se conformer Ă  la rĂšgle des 3R.

Pour rĂ©duire davantage l’utilisation de la souris, il est aussi possible de poursuivre les analyses sur des modĂšles organoĂŻdes. Ces modĂšles in vitro sont dĂ©veloppĂ©s Ă  partir de cellules humaines obtenues Ă  l’aide de biopsies de peau ou de prĂ©lĂšvements sanguins. Les cellules sont ensuite reprogrammĂ©es en cellules souches qui vont s’organiser pour former un organe miniature simplifiĂ©, le cerveau ou l’intestin par exemple. Les travaux actuels sur ces organoĂŻdes humains sont trĂšs prometteurs. Toutefois, les donnĂ©es acquises sur l’animal restent aujourd’hui essentielles pour caractĂ©riser les bases molĂ©culaires des maladies gĂ©nĂ©tiques et identifier des drogues qui pourront, dans l’avenir, intĂ©grer des programmes d’essais thĂ©rapeutiques.

Comment vos dĂ©couvertes se rĂ©percutent-elles en dĂ©finitif sur la prise en charge des patients ?

CG : Ces dĂ©couvertes impacte positivement la prise en charge des patients et permettent d’amĂ©liorer le diagnostic mĂ©dical. En s’appuyant sur des donnĂ©es fonctionnelles obtenues grĂące aux animaux modĂšles, les praticiens de santĂ© peuvent mieux renseigner les familles sur les causes gĂ©nĂ©tiques de leurs maladies et leur indiquer si des atteintes d’autres organes sont Ă  prĂ©voir comme les atteintes intestinales pour certaines formes d’autisme. Les patients et leurs familles sont ainsi mieux informĂ©s et la prise en charge des jeunes patients est amĂ©liorĂ©e.

Propos recueillis par AnaĂŻs Culot pour le Gircor

CrĂ©dits photo : Dr. Marie-Laure Durand

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