Sylvie Huiban est vĂ©tĂ©rinaire dâexercice libĂ©ral. En 2022, elle a soutenu une thĂšse intitulĂ©e « Ăthique en expĂ©rimentation animale : vers une Ă©volution de la rĂšgle des 3R ». Nous l’avons interrogĂ©e.
Pourquoi avoir choisi ce sujet?
Sylvie Huiban : Si je suis devenue vĂ©tĂ©rinaire, câest parce que les animaux ont toujours Ă©tĂ© une passion ! Il me tient Ă cĆur de bien les traiter : cela passe par les soins, bien entendu, mais Ă©galement par tout ce qui gravite autour de la cause animale, Ă©levage, exploitation des animaux et bien entendu lâexpĂ©rimentation animale. Un des membres de ma famille Ă©tant chercheur en neurobiologie, nous avons Ă©videmment Ă©changĂ© ensemble de nombreuses fois et il mâest apparu intĂ©ressant de faire le point sur ce sujet car finalement tout le monde en parle et juge mais peu connaissent vraiment la rĂ©alitĂ© des choses.
Que connaissiez-vous sur les 3R avant de commencer votre thĂšse ?
SH : Avant de commencer ce travail, je nâavais quâune vague idĂ©e de ce quâĂ©tait la rĂšgle des 3R ! Je savais que lâexpĂ©rimentation animale Ă©tait sĂ©rieusement encadrĂ©e mais je nâen connaissais pas les dĂ©tails. Je ne me doutais pas de lâĂ©tendue des rĂšgles imposĂ©es aux chercheurs.
Quâavez-vous appris pendant sa rĂ©daction ? Quâest-ce qui vous a le plus surpris ?
SH : Au cours de la rĂ©daction de cette thĂšse, jâai pu voir lâĂ©tendue des progrĂšs faits en matiĂšre de mĂ©thodes alternatives et substitutives. Par exemple, lâutilisation des cellules souches dont on peut orienter la diffĂ©renciation, les organoĂŻdes et les organes sur puces (« organ-on-a-chip ») sont absolument fascinants ! Ils ouvrent la voie Ă de nouvelles recherches qui peuvent donner lieu Ă des progrĂšs immenses en mĂ©decine ! Je pense en particulier au modĂšle âbody-on-a-chipâ, systĂšme plus reprĂ©sentatif du corps humain, qui permettrait de quasi sâaffranchir du modĂšle animal et donc de diminuer considĂ©rablement le nombre dâanimaux utilisĂ©s.
Jâai Ă©galement beaucoup appris sur lâencadrement juridique de lâexpĂ©rimentation animale, ainsi que sur les diffĂ©rentes instances qui interviennent Ă chaque Ă©tape dâun processus de recherche. Tout ceci constitue un maillage complexe et Ă©tendu Ă plusieurs domaines de compĂ©tence.
Comment percevez-vous le rĂŽle du vĂ©tĂ©rinaire dans lâapplication des 3R ?
SH : Pour ma part, le rĂŽle du vĂ©tĂ©rinaire dans lâapplication de la rĂšgle des 3R est dâaccompagner et de conseiller tout au long du processus dâexpĂ©rimentation. Sa connaissance des animaux en gĂ©nĂ©ral et dâune ou plusieurs espĂšces en particulier, doit lui permettre de veiller Ă ce que leurs diffĂ©rents besoins soient respectĂ©s et satisfaits. Il se doit de pouvoir reconnaĂźtre les signes de souffrance de lâanimal afin de les minimiser au maximum, prĂ©cocement et efficacement. Cela sous-entend le bien-ĂȘtre animal en amĂ©liorant ses conditions de dĂ©tention, aussi bien que lors des expĂ©rimentations en elles-mĂȘmes par lâutilisation de mĂ©dicaments adĂ©quats. Câest pourquoi sa formation doit ĂȘtre continue et Ă©volutive et ainsi lui permettre de faire appliquer les mĂ©thodes les plus rĂ©centes et adaptĂ©es aux besoins de sa structure.
Dans votre thĂšse, vous Ă©voquez lâajout de nouveaux R Ă la rĂšgle des 3R, pouvez-vous nous en parler ?
SH : En effet, il est beaucoup question Ă lâheure actuelle de faire Ă©voluer cette rĂšgle des 3R en une rĂšgle des 5R, Ă savoir en plus RĂ©habilitation/RĂ©utilisation et Responsabilisation/Respect.
La rĂ©habilitation des animaux de laboratoire consiste Ă placer ceux-ci afin de leur offrir une seconde vie, soit en famille dâaccueil, soit en centre spĂ©cialisĂ©. Ce placement doit ĂȘtre envisagĂ© dĂšs le dĂ©but du projet dâexpĂ©rimentation de maniĂšre Ă faciliter leur futur changement de vie (sociabilisation, Ă©ducation…). Ce processus de rĂ©habilitation prend de lâampleur au fil des ans mais ne concerne encore que peu dâindividus au total. Quant Ă la rĂ©utilisation, elle sâinscrit dans un cadre lĂ©gal car tous les animaux ne peuvent pas ĂȘtre rĂ©utilisĂ©s. NĂ©anmoins, les Ă©tudes montrent quâelle progresse dâannĂ©e en annĂ©e.
En ce qui concerne la responsabilisation et le respect, cela passe par la formation des diffĂ©rents intervenants. Celle-ci est dĂ©jĂ en place puisque les personnels en fonction possĂšdent une formation initiale et sont soumis Ă une formation continue. Ce 5Ăšme R est donc dĂ©jĂ en place ! Il nâimpliquerait pas plus de contraintes que celles existantes.
En conclusion, la considĂ©ration du bien-ĂȘtre de lâanimal en expĂ©rimentation a beaucoup progressĂ© ces 40 derniĂšres annĂ©es Ă lâinstar de notre sociĂ©tĂ©. Il est dommage Ă mon sens de ne pas communiquer assez sur ces progrĂšs afin de renvoyer au public une image plus juste de ce qui est mis en Ćuvre.
Source : DUMAS