🎙️ La quête du GRAAL : Marie-Françoise Lheureux et son engagement pour la retraite des animaux de laboratoire

FondĂ© en 1997, le GRAAL (Groupement de RĂ©flexion et d’Action pour l’Animal) est aujourd’hui un acteur incontournable pour la mise Ă  la retraite des animaux de laboratoire. Nous avons rencontrĂ© sa prĂ©sidente fondatrice, toujours en exercice, Marie-Françoise Lheureux.

Ce qu’il faut retenir

  • Toutes les espèces peuvent ĂŞtre rĂ©habiliĂ©es ;
  • Le GRAAL travaille en collaboration avec les laboratoires de recherche et les autoritĂ©s ;
  • La retraite d’un primate peut coĂ»ter jusque 30 000 euros.

Marie-Françoise Lheureux

Pouvez-vous vous présenter ?

Marie-Françoise Lheureux : J’ai connu les classes prĂ©paratoires et les concours d’entrĂ©e des grandes administrations publiques oĂą je suis aujourd’hui responsable de la communication. Sensible aux grandes causes Ă©thiques, se rapportant Ă  l’humain, au patrimoine et Ă  la nature, j’ai choisi la dĂ©fense animale comme domaine d’expression et d’action. Toujours Ă  la recherche de l’action utile et d’un dialogue constructif, j’ai crĂ©Ă© le GRAAL en 1997 pour agir « autrement ». MĂ©langez l’Ă©nergie avec une certaine dose d’obstination et un nappage d’optimisme, vous saurez pourquoi je crois toujours et plus que jamais en l’action que j’ai impulsĂ©e en 1997…

Pouvez-vous présenter le GRAAL ?
M-F.L. : Le GRAAL a Ă©tĂ© initialement crĂ©Ă© pour dĂ©noncer la corrida et faire interdire l’entrĂ©e des arènes aux mineurs. Un service EnquĂŞtes national a rapidement Ă©tĂ© crĂ©Ă© pour agir contre les multiples maltraitances et actes de cruautĂ© signalĂ©s au GRAAL par ses sympathisants (concernant les animaux domestiques, les animaux de ferme, les Ă©quidĂ©s). Le GRAAL a portĂ© et dĂ©fendu plusieurs revendications particulières : crĂ©ation d’un secrĂ©tariat d’État Ă  la condition animale en France, introduction d’animaux de mĂ©diation dans les EHPAD, dĂ©fense des animaux utilisĂ©s dans les fĂŞtes foraines et interdiction des jeux-concours, mise en place de solutions opĂ©rationnelles de vidĂ©osurveillance en abattoirs (avant mĂŞme l’ouverture du dĂ©bat public sur ce thème), et puis l’idĂ©e d’offrir une retraite aux animaux issus de laboratoire en 2004.



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Quelles sont les raisons qui ont poussĂ© le GRAAL Ă  s’occuper des animaux de laboratoire en particulier ?
M-F.L. : A cette époque, le GRAAL était occupé à tout autre chose qu’à organiser la retraite des animaux de laboratoire. C’est la lecture d’une coupure de presse de Ouest-France qui titrait « Nous traitons nos animaux comme nos enfants » signé d’un directeur de recherche, qui avait attiré notre attention.
Après avoir cherchĂ© plusieurs semaines Ă  parler au directeur de recherche, la chance nous sourit et nous nous sommes rencontrĂ©s Ă  Nantes, au Centre de ThĂ©rapie GĂ©nique de l’École VĂ©tĂ©rinaire de Nantes (aujourd’hui Oniris VetAgroBio Nantes).
Le GRAAL fut reçu par le directeur du laboratoire, la rĂ©fĂ©rente nationale expĂ©rimentation animale, des vĂ©tĂ©rinaires et des chercheurs. Ce fut une incroyable chance, une confiance mutuelle qui dĂ©boucha sur la 1ère sortie d’animaux de laboratoire pour le GRAAL et pour l’Oniris. Une petite chienne, une schnauzer dĂ©nommĂ©e Thia, sera la 1ère d’une longue sĂ©rie d’animaux rĂ©habilitĂ©s, qui sont au nombre de 7000 aujourd’hui. Nous pensons très souvent Ă  Philippe Moullier qui donna le coup d’envoi Ă  cette aventure incroyable.Quelles espèces d’animaux de laboratoire votre association prend-elle en charge ? Est-ce que certaines espèces sont plus complexes Ă  prendre en charge que d’autres ?
M-F.L. : Le GRAAL est aujourd’hui en capacitĂ©, grâce aux partenariats qu’il a construits auprès des refuges, parcs animaliers et aquariums, de prendre en charge toutes les espèces animales impliquĂ©es dans les protocoles de recherche. La dĂ©marche est exactement la mĂŞme quelle que soit l’espèce. La complexitĂ©, pour les primates et les animaux de ferme, s’explique par la rĂ©glementation sanitaire qui peut varier d’un dĂ©partement Ă  l’autre, par le manque de structures d’accueil spĂ©cifiques Ă  ces espèces et par le coĂ»t journalier d’entretien des animaux qui peut rebuter certains de nos partenaires. Un primate peut vivre 30 ans ou plus. Les sommes en jeu sont donc très Ă©levĂ©es.Les principales Ă©tapes du processus de mise Ă  la retraite sont dĂ©taillĂ©es dans notre Guide de la Retraite des Animaux de laboratoire.



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Quelles sont les difficultés ou les obstacles auxquels votre association est confrontée dans le cadre de cette mission ?
M-F.L. : Premièrement, la dĂ©marche repose sur le volontariat des unitĂ©s de recherche de s’associer ou non Ă  la dĂ©marche. Le coĂ»t de la retraite d’un animal de laboratoire, qu’il repose en tout ou partie sur les organismes de recherche ou la sphère associative, n’est pas nĂ©gligeable. Ainsi, la quasi-absence d’engagement public est un frein naturel au dĂ©veloppement de l’action.
En outre, la confidentialité imposée par les laboratoires au GRAAL empêche de valoriser ces actions comme elles le mériteraient.
Et finalement, le temps passĂ© Ă  instruire un dossier de « retraite », mĂŞme s’il n’est pas dissuasif en soi, est Ă  prendre en compte, tant pour les unitĂ©s de recherche que pour le GRAAL. Une euthanasie sera toujours plus Ă©conomique et plus rapide qu’une retraite Ă  organiser, mais tellement moins Ă©thique et valorisante.Combien coĂ»te une retraite d’animal de laboratoire ?
M-F.L. : Dans certains cas, une retraite coĂ»te très peu : si l’on prend le cas d’un lot de rongeurs placĂ©s Ă  proximitĂ© d’un laboratoire, ils vont ĂŞtre rapidement adoptĂ©s. De mĂŞme pour les chats et les chiens qui sont placĂ©s Ă  proximitĂ© de l’unitĂ© de recherche et qui sont bien souvent rĂ©servĂ©s par les adoptants avant mĂŞme leurs sorties de laboratoire. Seul le coĂ»t de la vaccination est Ă  prendre en compte ! Dès qu’un transport « maison » ou effectuĂ© par un professionnel doit ĂŞtre envisagĂ©, le coĂ»t augmente drastiquement. Pour un primate, cas le plus coĂ»teux, les frais sont partagĂ©s entre l’unitĂ© de recherche (quelques milliers d’euros Ă  verser au zoo ou sanctuaire via le GRAAL) et le parc animalier (20 Ă  30 000 euros selon l’espĂ©rance de vie de l’individu). Les animaux de ferme reprĂ©sentent un coĂ»t Ă©galement Ă©levĂ© pour la structure d’accueil, en fonction de leur taille, de l’espĂ©rance de vie de l’animal et d’une stĂ©rilisation Ă  envisager. Dans la majoritĂ© des cas, la retraite coĂ»te toujours davantage aux lieux d’accueil (associations) qu’aux instituts de recherche.

La plus-value du GRAAL est d’avoir fĂ©dĂ©rĂ© autour de lui ces rĂ©seaux de lieux d’accueil sĂ©rieux rĂ©pondant Ă  la rĂ©glementation et respectant la confidentialitĂ© imposĂ©e par les laboratoires.

Quelles sont les conditions de vie que vous offrez aux animaux une fois à la retraite ? Ont-ils des besoins spécifiques ?
M-F.L. : Les lieux d’accueil sont tous des professionnels et accueillent les animaux, de façon temporaire ou Ă  vie (cas des primates) selon la rĂ©glementation en vigueur et avec une rĂ©elle motivation de venir en aide aux animaux issus de la Recherche. C’est toute la plus-value du GRAAL que d’avoir fĂ©dĂ©rĂ© autour de lui ces rĂ©seaux de lieux d’accueil sĂ©rieux rĂ©pondant Ă  la rĂ©glementation et respectant la confidentialitĂ© imposĂ©e par les laboratoires.Comment travaillez-vous en collaboration avec les laboratoires et les autoritĂ©s pour faciliter la mise Ă  la retraite des animaux ?
M-F.L. : La collaboration est possible et pĂ©renne grâce Ă  un dialogue ouvert et constructif, dans la confiance et le respect mutuels, conditions indispensables au dĂ©veloppement de la dĂ©marche. Le GRAAL est assez souvent invitĂ© Ă  des colloques professionnels, des groupes de travail, des journĂ©es thĂ©matiques, des sessions de formation internes aux Ă©tablissements oĂą il rencontre chercheurs, animaliers, techniciens, Ă©tudiants… Nous sommes en contact Ă©troit avec les DDPP (directions dĂ©partementales de la protection des populations) qui autorisent les transferts d’animaux sur le territoire ainsi qu’avec les ministères (MESR et MASA).Que faudrait-il faire pour amĂ©liorer et faciliter la mise Ă  la retraite des animaux ?
M-F.L. : Pour amĂ©liorer et faciliter la mise Ă  la retraite des animaux, il est proposĂ© d’intĂ©grer un budget spĂ©cifique dans les protocoles de recherche, permettant ainsi un financement anticipĂ©. De plus, la crĂ©ation d’une « écotaxe » supportĂ©e par l’ensemble des animaux, qu’ils puissent prĂ©tendre Ă  une retraite ou non, assurerait un financement collectif pour quelques-uns. Il est Ă©galement suggĂ©rĂ© d’accentuer les efforts pour offrir une meilleure visibilitĂ© au GRAAL, tout en entreprenant une action d’envergure pour financer un lieu de retraite capable d’accueillir 30 Ă  40 primates provenant de l’expĂ©rimentation animale en France. Une approche proactive serait d’intĂ©grer le sujet de la « retraite » dans toutes les formations, tout en cherchant Ă  rĂ©duire le nombre d’animaux utilisĂ©s. Enfin, la relance du Groupe Travail « Retraite des animaux de laboratoire » serait essentielle pour coordonner ces initiatives et assurer leur succès.

A ses dĂ©buts, c’est le GRAAL qui prenait contact avec les unitĂ©s de recherche. Aujourd’hui, ce sont les laboratoires qui contactent le GRAAL pour initier des placements.

Depuis les débuts du GRAAL, comment avez-vous vu les choses évoluer concernant la réhabilitation ?
M-F.L. : A ses dĂ©buts, c’est le GRAAL qui prenait contact avec les unitĂ©s de recherche. Aujourd’hui, ce sont les laboratoires qui contactent le GRAAL pour initier des placements. Le personnel (animaliers, techniciens…) remercie frĂ©quemment le GRAAL pour son action qui, en plus d’offrir une retraite aux animaux, permet de rĂ©duire de la fatigue compassionnelle. Les adoptants ont depuis toujours une inclination très bienveillante vis-Ă -vis de cette action. Ils ne pensent pas aux laboratoires qui expĂ©rimentent mais aux animaux qui sortent des laboratoires. Les lieux d’accueil font confiance au GRAAL, nous faisons partie de la mĂŞme famille « protection animale », ils ne formulent aucune critique Ă  l’Ă©gard des unitĂ©s de recherche dont ils apprĂ©cient la dĂ©marche. Les ministères (MESR et MASA) ont subventionnĂ© le GRAAL et ses actions. Enfin, le GRAAL bĂ©nĂ©ficie d’un intĂ©rĂŞt grandissant d’annĂ©e en annĂ©e de la part des mĂ©dias.Est-ce que vous avez des nouvelles rĂ©gulières des animaux que vous avez placĂ© en retraite ?
M-F.L. : Le GRAAL a crĂ©Ă© un pĂ´le « Prise de nouvelles » et bĂ©nĂ©ficie de ce fait de retours extrĂŞmement nombreux sur la vie des animaux placĂ©s. Nous transmettons ces nouvelles aux chercheurs, qui apprĂ©cient grandement ce feed-back. Lors des rares occasions oĂą il y a eu quelques difficultĂ©s (maladie de l’animal placĂ©, principalement), un dialogue ouvert et constructif entre le laboratoire et le GRAAL a permis de rĂ©soudre au mieux les difficultĂ©s et de partager les financements.

Quelques chiffres

  • 35 bĂ©nĂ©voles travaillent au GRAAL ;
  • 7000 animaux rĂ©habilitĂ©s depuis 2005 ;
  • 150 laboratoires partenaires qui font rĂ©gulièrement confiance au GRAAL pour la retraite de leurs animaux.

Quelques anecdotes

Rocket

C’est l’histoire d’un laboratoire de recherche qui dĂ©cide d’offrir Ă  Rocket, un petit beagle, le plus beau des cadeaux, une retraite sereine et paisible, après 6 ans de bons et loyaux services. Ă‚gĂ© de sept ans Ă  sa sortie, il s’avère que Rocket avait besoin de soins. Le laboratoire a pris intĂ©gralement en charge les frais de rĂ©Ă©ducation pour qu’il puisse bĂ©nĂ©ficier d’une hydrothĂ©rapie. FilmĂ© durant ses efforts, Rocket reprend confiance en lui et en ses capacitĂ©s, il marche avec entrain au-devant des friandises qu’on lui propose.
Grâce à l’action conjuguée d’un laboratoire bienveillant, du GRAAL et d’un refuge extraordinaire (APAGI) qui lui ont donné sa chance, Rocket est aujourd’hui « un autre chien ».


Rocket en sĂ©ance d’hydrothĂ©rapie


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de Rocket

Les 14 Prim’Holstein

C’est l’histoire d’un été où le GRAAL est appelé par un laboratoire qui lui propose d’organiser la retraite de 14 vaches Prim’Holstein. Intégrées dans un protocole de recherche sur la reproduction, ces animaux dépassent de loin le poids habituel de ces ruminants. Pesant entre 800 et 900 kg, ces animaux ont représenté un défi de poids et de taille à l’association.Grâce à la mobilisation du GRAAL et de ses partenaires, ces animaux hors-norme ont pu trouver, en quelques semaines, un accueil temporaire puis définitif dans des prés en Normandie où elles seront accueillies à vie, à l’abri de la filière viande.



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des 14 Prim’Holstein

Branle-bas de combat

Toute l’équipe du GRAAL au poste de combat ! C’est l’histoire de la plus grande retraite (en volume) jamais organisée par le GRAAL en simultané jusqu’à ce jour.
En avril 2021, l’association lance un appel national pour informer sa communauté de la sortie imminente de 350 animaux de laboratoire. Ils sont nombreux à attendre leur sortie en ce printemps post-Covid : 30 beagles, 150 rats, 11 macaques à longue queue, 90 lapins, 50 coqs, 5 mini cochons, 5 chèvres et 15 vaches.
Notre partenaire LILO, le moteur de recherche éthique, nous soutient grâce à une campagne de presse active. En quelques semaines, tous ces « libérés » grâce à la volonté des laboratoires, des refuges et des adoptants, avaient trouvé leur place au soleil. Une belle leçon d’entraide, beaucoup de système D, un peu de chance et beaucoup de bienveillance.

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