Le Monde a publié le mardi 23 janvier 2024 sous la plume de Hervé Morin et de Simon Leplâtre une enquête abordant la recherche utilisant les primates non-humains (PNH). A travers les voix de multiples acteurs du domaine, tant français qu’étrangers, découvrez les enjeux et défis qui sous-tendent l’expérimentation sur ces primates.
Rappel : l’utilisation des grands singes (gorilles et chimpanzés par exemple) est interdite en recherche.
En France, 50 établissements de recherche utilisent les PNH. Parmi eux, Silabe, près de Strasbourg, fait figure de pilier européen concernant l’entrée de ces animaux en UE et concernant l’élevage de ces derniers. Néanmoins d’après Pascal Ancé, directeur de Silabe, le coût pour l’importation d’un animal est passé de 3 000 à 30 000 euros entre 2018 et 2023. La cause, le mastodonte de la recherche biomédicale : la Chine. Depuis la crise Covid, le pays exerce un embargo concernant les PNH.
« La communauté scientifique chinoise et les agences qui la financent ont compris l’importance des primates pour les études des grandes maladies et de la génétique humaines«
Su Bing, généticien à l’Institut de zoologie de Kunming (province du Yunnan, Chine)
Or, la Chine représentait le fournisseur majoritaire pour de nombreux pays, dont la France. Les acteurs français de la recherche ont donc dû en très grande partie basculer vers d’autres fournisseurs, dont l’Île Maurice. Afin de satisfaire la demande croissante de PNH, des pratiques telles que le braconnage ou bien le blanchiment de ces singes (comme cela a été le cas du Cambodge ayant fourni des individus capturés dans la nature aux USA) se sont répandues, révèle Le Monde. Et ce problème ne vient pas seul. En effet, ayant perdu leur partenariat avec la Chine, les USA consolident leur collaboration commerciale avec les élevages mauriciens. Une épine dans le pied supplémentaire pour la recherche française comme l’affirment Erwan Bézard (chercheur à l’Institut des maladies neurodégénératives de Bordeaux) et Hugues Contamin (fondateur de Cynbiose, vétérinaire et docteur en microbiologie), qui s’étonnent de ne pas voir d’élan collectif pour la création d’élevages de PNH permettant une auto-suffisance sur le territoire. Ivan Balansard (président du Gircor, vétérinaire et directeur du bureau éthique et modèles animaux du CNRS) confie au Monde ses craintes pour la recherche académique si les PNH ne deviennent pas plus accessibles.
L’enquête du Monde permet aussi de mettre en avant l’importance cruciale que porte la recherche sur les primates. Sylvain Blaize (chercheur à l’Institut Pasteur) aborde l’importance de ces animaux pour ses recherches notamment contre le virus Lassa, qui cause une fièvre hémorragique comparable à Ebola. Importance corroborée par Pascal Ancé : l’utilisation de ces PNH assure une sécurité indispensable pour les essais cliniques.
Enfin, d’un point de vue scientifique, malgré l’ascension croissante que suivent les méthodes alternatives et qui voient déjà des applications claires, Roger Le Grand (directeur du département des modèles de maladies infectieuses pour les thérapies innovantes au CEA) rappelle l’importance des modèles PNH de par la complexité que constitue leur organisme ainsi que leur proximité avec l’Homme.
« On souhaite tous se passer des recherches sur l’animal, mais l’épisode du Covid a de nouveau montré qu’on en avait besoin, par exemple pour prouver la sécurité des vaccins«
Pascal Ancé, directeur de Silabe (Strasbourg)
Que retenir ?
– Les PNH représentent un enjeu scientifique et géopolitique fort
– Les acteurs de la recherche française souhaiteraient un plan pour l’autonomie de l’élevage de ces PNH