Les antibiotiques sont des médicaments faisant partie des fondamentaux de la médecine moderne et ont permis de sauver d’innombrables vies. À l’occasion de la journée européenne d’information sur les antibiotiques, le Gircor vous propose de découvrir la genèse de cette famille de médicaments, leur mécanisme d’action, le rôle des modèles animaux dans leur développement, mais surtout pourquoi notre dépendance aux antibiotiques risque de causer une crise sanitaire mondiale.
Aujourd’hui considérés comme des médicaments fondamentaux, leur découverte ne remonte pourtant qu’au siècle dernier et plus précisément en 1928 par Alexander Fleming, médecin, biologiste et pharmacologue britannique.
Sa découverte tint pourtant de la sérendipité (découverte imprévue mais utile). En effet, alors qu’il étudiait la bactérie Staphyloccocus aureus (le staphylocoque doré, causant notamment des intoxications alimentaires), les travaux d’un autre scientifique travaillant sur un champignon nommé Penicillium notatum virent contaminer sa culture bactérienne pendant qu’il était en vacances. Le résultat qui apparut devant ses yeux fut tout à fait surprenant : les cultures de bactéries contaminées ne croissaient plus, leur développement était inhibé. Ses travaux furent repris par Haward Walter Florey, Ernst Chain et Norman Heatley en 1939, qui parvinrent à purifier la pénicilline, l’actif anti-bactérien, sous une forme stable.
Heatley utilisa 8 souris pour vérifier l’efficacité de la pénicilline. Les 8 furent contaminées par des staphylocoques dorés mais seule la moitié d’entre elles reçurent une injection de l’antibiotique. Quelques heures plus tard, toutes les souris non-traitées furent retrouvées sans vie tandis que les traitées survécurent.
Cette découverte accordera en 1943 le Prix Nobel de Médecine à Fleming, Florey et Chain pour leur découverte et son application thérapeutique.
Aujourd’hui, il existe plus de cent antibiotiques différents utilisés pour la santé humaine. Ces molécules ne sont pourtant pas des remèdes miracles, elles ne fonctionnent que sur certains micro-organismes : les bactéries. Les publicités tentent de le faire comprendre depuis de nombreuses années, la prise d’antibiotiques doit se faire sur l’avis d’un médecin qui détermine si l’infection est bactérienne.
Dans le cas où la maladie n’est pas d’origine bactérienne, non seulement le médicament ne soignera pas le patient, mais en plus de cela, il participera à un phénomène nommé l’antibiorésistance. Comme son nom l’indique, ce phénomène traduit la résistance acquise de bactéries pour certains antibiotiques. La raison est très simple : nos sociétés modernes consomment avec excès ces molécules. Or, les bactéries ont une capacité d’adaptation, d’évolution tout particulièrement menaçante. Dans une population bactérienne où, imaginons, 1 bactérie pour 1 million est résistante, si vous décidez de ne pas traiter une maladie bénigne, alors votre organisme combattra par lui-même l’infection. Par contre, si vous consommez un antibiotique, presque toute la population bactérienne sensible mourra, soit >99%. Finalement, la bactérie résistante se retrouvera seule et pourra remplacer la population sensible en se multipliant, vous empêchant la prochaine fois d’utiliser cet antibiotique. Deux mécanismes peuvent expliquer la résistance : une mutation de l’ADN bactérien et un transfert d’ADN d’une bactérie résistante à une autre, sensible (même si elles ne sont pas de la même espèce). Les contacts humains et la mondialisation s’occuperont par la suite de transmettre ces souches résistantes partout dans le monde. Et un malheur n’arrive jamais seul car nous ne sommes pas les seuls animaux à consommer des antibiotiques, les animaux d’élevage sont en effet très (trop) largement traités, ajoutant un risque supplémentaire d’antibiorésistance dans notre propre alimentation. L’antibiorésistance risque de devenir une cause majeure de décès dans le monde.
La recherche continue malgré tout pour produire de nouveaux antibiotiques, prolonger la « vie » de ceux actuellement disponibles et explorer de nouvelles voies de traitement telles que les bactériophages. Cette recherche nécessite toujours l’utilisation d’animaux afin d’examiner l’efficacité et l’innocuité des futurs traitements qui éviteront les morts de millions de personnes dans les décennies à venir.