Suite et fin de notre fact-checking consacré au Libé des animaux publié du 10 et 11 novembre 2022.
AprĂšs ĂȘtre un premier Ă©pisode consacrĂ© Ă l’article sur La TaniĂšre, revenons sur le reste du dossier consacrĂ© Ă la recherche animale.
Les chiens « sont contraints de vivre toute leur vie dans une cageâŠÂ »
Les normes dâhĂ©bergement des chiens de laboratoire en France relĂšvent de la directive europĂ©enne 2010/63/EU qui spĂ©cifie les conditions minimales suivantes :
Les chiens ne sont pas hĂ©bergĂ©s en cage, mais dans des espaces dont la hauteur doit ĂȘtre au minimum de 2 mĂštres, et la surface au sol dâau moins 4mÂČ (voire 8 pour les chiens de plus de 20kgs) pour 1 Ă 2 animaux.
Ajoutons que la recommandation de la Commission du 18 juin 2007 concernant les concernant des lignes directrices relatives Ă l’hĂ©bergement et aux soins des animaux utilisĂ©s Ă des fins expĂ©rimentales ou Ă d’autres fins scientifiques prĂ©cise : « Les enclos extĂ©rieurs constituent un Ă©lĂ©ment d’enrichissement de l’environnement des chiens tant dans les Ă©tablissements d’Ă©levage que dans les Ă©tablissements utilisateurs, et devraient ĂȘtre disponibles quand cela est possible ».
« âŠdont ils ne sortent que pour connaĂźtre la douleur. »
D’aprĂšs les donnĂ©es 2020 du MinistĂšre, il y a eu 118 procĂ©dures classĂ©es comme sĂ©vĂšres sur les 4079 utilisations de chiens, soit 3%.
« Singes, chats, chiens, rongeurs, cochons, chevaux⊠Chaque annĂ©e, 3 Ă 4 millions dâanimaux subissent des expĂ©riences dans les laboratoires français. Dans cet univers hermĂ©tique, omerta et opacitĂ© rĂšgnent Ă tous les Ă©tages. »
Est-ce un hasard si les espĂšces mentionnĂ©es dans le chapĂŽ sont celles qui ont le plus de chances d’Ă©mouvoir le lecteur ?
Il faut savoir qu’une grande majoritĂ© des Français reconnait de pas savoir quelles sont les espĂšces utilisĂ©es en recherche (67% selon un sondage IPSOS 2021 pour le Gircor).
Hormis les rongeurs, les 5 espĂšces (et groupes dâespĂšces) citĂ©es ne reprĂ©sentent que 1,30% de lâensemble des utilisations dâanimaux en recherche :
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Les espÚces les plus utilisées
Les espĂšces les plus utilisĂ©s en recherche sont la souris (63,8% d’utilisations), le rat (9,1%), le lapin (8,8%), les poissons (7,3%) et les oiseaux (5,9%).
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Infographie complĂšte : www.gircor.fr/chiffres-les-utilisations-danimaux-par-la-recherche-francaise-en-2020
Utilisations dâanimaux et animaux utilisĂ©s : ce n’est pas la mĂȘme chose !
Les statistiques indiquent le nombre dâutilisations dâanimaux et non le nombre dâanimaux utilisĂ©s.Â
Pour les espĂšces les plus courantes (souris, rat, lapin, poissons), la rĂ©utilisation des animaux est rarissime (moins de 2% des animaux). Cela signifie que lâon peut confondre utilisation dâanimaux et animaux utilisĂ©s.
En revanche, pour les espĂšces mentionnĂ©es dans lâarticle (singes, chats, chiens, cochons et chevaux), la rĂ©utilisation est frĂ©quente. Pour les chiens, elle est de 40,7% et, pour les chats, de 57,4%.
Une nuance importante : animaux utilisés et animaux non utilisés
D’aprĂšs les derniĂšres statistiques europĂ©ennes, 2 123 369 animaux ont Ă©levĂ©s et non utilisĂ©s dans des procĂ©dures expĂ©rimentales (donc qui n’ont pas subi d’expĂ©riences) qui se dĂ©composent :
- 1 452 168 animaux Ă©levĂ©s et mis Ă mort sans ĂȘtre utilisĂ©s dans des procĂ©dures (mais pouvant ĂȘtre utilisĂ©s post mortem pour des prĂ©lĂšvements de tissus)
- 61 205 animaux utilisés pour produire une nouvelle lignée génétiquement modifiée
- 609 996 animaux utilisés pour maintenir une lignée génétiquement modifiée
Conclusion sur le nombre d’animaux utilisĂ©s
En indiquant dans son chapĂŽ : « Chaque annĂ©e, 3 Ă 4 millions dâanimaux subissent des expĂ©riences dans les laboratoires français », on peut conclure un amalgame entre utilisations d’animaux, animaux rĂ©ellement utilisĂ©s et animaux non-utilisĂ©s.
Le nombre d’animaux utilisĂ©s est infĂ©rieur Ă Â 1 643 787.
« Des expĂ©riences sont autorisĂ©es par des comitĂ©s dâĂ©thique biaisĂ©sâŠÂ »
« En 2018, les 3 708 projets d’expĂ©rimentation animale soumis Ă ces comitĂ©s d’Ă©thique ont tous Ă©tĂ© acceptĂ©s. »
« Les comitĂ©s chargĂ©s d’Ă©valuer l’Ă©thique de chaque projet d’expĂ©rimentation animale n’ont pas d’existence juridique ! »
En dehors du parti pris (comitĂ©s dâĂ©thique biaisĂ©s), il faut prĂ©ciser que les projets ne sont pas autorisĂ©s par les comitĂ©s dâĂ©thique mais par le MESRI, aprĂšs Ă©valuation dâun comitĂ© dâĂ©thique.
Entre le moment oĂč le projet est soumis au comitĂ© dâĂ©thique et le moment oĂč il est autorisĂ©, il se passe un dĂ©lai de 8 semaines, pendant lesquelles, le porteur de projet rĂ©pond aux nombreuses remarques des rapporteurs et modifie en fonction sa saisine.
Ainsi, aucun projet nâest jamais autorisĂ© tel quel.
Enfin, les comitĂ©s dâĂ©thique sont Ă ce jour enregistrĂ©s auprĂšs du MESRI, suivant un cahier des charges bien prĂ©cis. Ils sont en revanche, et depuis cette annĂ©e, en phase dâagrĂ©ment.
« Les conditions du recours Ă l’expĂ©rimentation animale en France restent «opaques» et les portes des laboratoires «infranchissables» »
Les statistiques publiées chaque année par le MESRI détaillent précisément toutes ces conditions.
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Infographie complĂšte : www.gircor.fr/chiffres-les-utilisations-danimaux-par-la-recherche-francaise-en-2020
Ne serait-ce que cette annĂ©e, le Gircor a rĂ©pondu Ă de nombreuses invitations de la presse Ă©crite et radio sur le sujetâŠ
Par ailleurs, dans le cadre de ce dossier sur lâexpĂ©rimentation animale, lâinterview de plus dâune heure accordĂ©e par Ivan Balansard a conduit Ă des citations tronquĂ©es et de fĂącheux raccourcis. Il nâapparait quâaucun des documents mis Ă disposition ni des liens vers les visites virtuelles fournis nâaient Ă©tĂ© utilisĂ©es pour ces articles.
Lors de son entretien, la journaliste, correspondante de LibĂ©ration Ă Montpellier, a Ă©tĂ© invitĂ©e Ă visiter une animalerie dans sa ville. Elle nâa pas donnĂ© suite…
Dâune maniĂšre gĂ©nĂ©rale, il faut rappeler la mobilisation de nombreux organismes de recherche publics et privĂ©s en France autour de la charte de transparence et de ses 4 engagements.
« Dans l’Ă©levage amĂ©ricain de Marshall BioRessources, leader mondial des beagles«Â
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Le lĂ©gende de la photo indique « Dans l’Ă©levage amĂ©ricain de Marshall BioRessources, leader mondial des beagles ». Cette photo provient en rĂ©alitĂ© du reportage d’une ONG allemande Soko Tierschutz infiltrĂ©e au sein du Laboratoire de Pharmacologie et de Toxicologie (LPT), comme l’indiquent les crĂ©dits mentionnĂ©s par le journal.
Lors de la diffusion de cette vidéo en octobre 2019, la communauté scientifique et le Gircor avaient réagi en condamnant fermement ces pratiques. LPT a fermé ses portes en février 2020.
Entre chiffres approximatifs, raccourcis trompeurs et inexactitudes, le Gircor se dĂ©sole du portrait fait par LibĂ©ration sur la recherche. Comme le soulignaient fin 2017 les AcadĂ©mies des sciences, de mĂ©decine, de pharmacie et de lâAcadĂ©mie vĂ©tĂ©rinaire, le recours aux animaux reste aujourd’hui indispensable en recherche, qu’elle soit fondamentale ou appliquĂ©e. Les chercheurs font tout leur possible pour appliquer au quotidien le principe des 3Rs : en remplaçant les animaux par des mĂ©thodes alternatives, en rĂ©duisant le nombre dâanimaux utilisĂ©s et en raffinant les procĂ©dures.
Notre premier rapport sur la Charte de transparence publiĂ© en juin 2022 l’a montrĂ© : pour aborder un sujet aussi sensible que la recherche animale, il faut une vraie relation de confiance entre les chercheurs et les journalistes. Peut-ĂȘtre que l’application de la recommandation du CDJM (Conseil de dĂ©ontologie journalistique et de mĂ©diation), « Le traitement des questions scientifiques », pourrait contribuer Ă l’instaurer.