Suite à la parution du Libé des animaux daté des 10 et 11 novembre 2022, le Gircor s’était déjà étonné du parti pris des articles concernant la recherche animale.
1er épisode de notre fact-checking spécial « Libé des animaux » avec Martine Meunier, co-directrice du GDR BioSimia et directrice de recherche au CNRS, qui a tenu à réagir à l’article d’Elsa Maudet « La Tanière, une retraite paisible pour les animaux à la sortie du labo ».
Cet article instrumentalise Ruffio et Cannelle, deux macaques qui ont longtemps été mes compagnons de recherche et pour qui j’ai respect et attachement, pour distiller demi-vérités et pures inventions à propos de la recherche animale. Je pense que le grand public mérite un peu de fact-checking afin de pouvoir se faire sa propre opinion.
« Des bêtes qui n’ont souvent connu ni la lumière du jour ni leurs congénères. »
Ruffio et Cannelle vivaient en couple près de leurs congénères dans des cages climatisées avec des fenêtres vers l’extérieur et des ouvertures vers l’intérieur afin de pouvoir surveiller les allées et venues des singes et des humains du labo.
« Les deux macaques s’épouillent tranquillement dans une petite cage grillagée. Triste ? Pour qui est habitué aux grands espaces, sûrement. Mais pour eux qui ont grandi dans l’exiguïté d’une varicanelle (sic), ces minuscules cages de transport, c’est déjà énorme.«
Les macaques sont des animaux sauvages, hiérarchiques et territoriaux, et leurs morsures peuvent être redoutables. Quelle que soit la taille de l’enclos que l’on peut leur dédier, grillage ou verre sont une sécurité, au labo comme au zoo, pour séparer les individus incompatibles et protéger les visiteurs.
Quant à élever un singe dans une caisse plastique Vari-Kennel® conçue pour les voyages, c’est aussi invraisemblable -et serait aussi punissable- que d’élever un enfant dans un landau. Cannelle et Ruffio ont grandi en groupe dans des élevages visitables sur Internet comme celui de Strasbourg (qui a récemment accueilli la visite de Cédric Villani), ou celui du BPRC à Ryswick, aux Pays-Bas. Une allégation aussi dénuée de sens sert-elle vraiment la cause animale ?
Site de la plateforme SILABE de l’Université de Strasbourg
Cédric Villani dans les animaleries de Strasbourg
Vidéo Gircor
du 22 février 2022
Site du Biomédical Primate Research Center
« Dix-neuf années à avaler des comprimés »
Chaque projet de recherche dure en général 5 ans dans mon domaine, les neurosciences cognitives. En accord avec la réglementation et en application du principe de Réduction (du nombre d’animaux en recherche), chaque singe contribue au moins à deux projets. Ruffio a participé à deux projets, Cannelle à trois. Ni l’un, ni l’autre n’ont eu à « avaler des comprimés » dans le cadre de ces recherches.
Comme je l’ai expliqué dans The Conversation, les dernières années de Cannelle et Ruffio dans notre laboratoire ont été passées en attente d’une maison de retraite pour singes. Cette attente a pris fin avec la création de La Tanière par Patrick et Francine Violas que je remercie à nouveau, ainsi que le GIRCOR et Le Graal. Une des études auxquelles Ruffio et Cannelle ont participé a également été rapportée dans The Conversation dont l’accès est gratuit.
Pourquoi nous cherchons une maison de retraite pour les singes de laboratoire
Article de The Conversation
du 1er juillet 2018
Comment apprendre des erreurs des autres
Article de The Conversation
du 17 juin 2016
Répondre aux questions des médias et du grand public est un devoir auquel je me plie volontiers pour peu que l’on m’interroge. Jeanne Fourneau l’a fait récemment pour Le Monde, sur le même sujet de la retraite des singes. Je lui en sais gré.
La position de l’animal dans nos sociétés a changé. Nos animaux de compagnie sont devenus des membres à part entière de nos familles. Cela questionne notre relation aux autres animaux: ceux qui nous nourrissent comme ceux qui nous soignent. L’heure est donc à la recherche d’un nouveau compromis sociétal autour des animaux de laboratoire et cela passe par le dialogue entre défenseurs des animaux et scientifiques.
Martine Meunier