Deux essais cliniques signent une étape importante dans la thérapie anti-lymphome à cellules CAR-T. Découverte en 1993, celle-ci a pris un véritable tournant tant elle semble efficace. Le point sur ces deux essais au regard de l’histoire des thérapies CAR-T.
La thérapie CAR-T en bref
L’immunothérapie contre le cancer consiste à stimuler les défenses immunitaires du malade afin de l’aide à lutter lui-même contre son cancer. La plus connue et la plus développée des immunothérapies anti-cancer est la thérapie CAR-T qui consiste à modifier certaines cellules immunitaires du malade, des lymphocytes T, de manière à ce qu’elles reconnaissent spécifiquement les cellules tumorales et les attaquent.
Pour ce faire, les lymphocytes T sont prélevés sur le patient et modifiés pour exprimer à leur surface un récepteur dit chimérique. Celui-ci permet au lymphocyte T de reconnaître une cellule cancéreuse puis de la détruire. On appelle cellules CAR-T (pour Chimeric Antigen Receptor) ces lymphocytes T dotés d’un récepteur chimérique.
Pour éviter les effets de cette thérapie sur d’autres cellules, il faut qu’en surface la reconnaissance de la tumeur soit la plus spécifique possible. La partie intracellulaire du récepteur chimérique a aussi son importance, car elle est chargée de l’activation des lymphocytes après fixation sur les cellules cancéreuses. Cette partie se compose de plusieurs domaines d’activation et de co-activation, mis au point au fil des recherches.
Deux études aux résultats très encourageants
Deux essais cliniques de phase 2 ont récemment montré l’efficacité de cette thérapie CAR-T sur des patients atteints de lymphomes (cancer des cellules du système lymphatique) réfractaires aux autres traitements.
Si les parties intracellulaires des récepteurs chimériques utilisés dans ces études diffèraient, les résultats cliniques sont similaires : l’étude menée sur 101 patients à lymphome à grandes cellules B réfractaire a reporté un taux de réponse complète de 54%, tandis que l’étude menée sur 28 patients présentant le même type de lymphome a donné 57% de réponse complète, c’est-à-dire une disparition totale des lésions cancéreuses cibles, et ce 4 semaines après le traitement.
Si la durabilité de ces réponses doit encore être établie, l’Institut national du cancer des États-Unis a récemment indiqué que 4 patients sur 5 ayant eu une réponse complète à un traitement de ce type dasnn une autre étude n’ont pas présenté de nouvelles cellules cancéreuses dans les 3,2 à 4,7 ans suivant l’immunothérapie.
A noter que ces traitements ont toutefois entraîné des effets secondaires importants, comme ceux rapportés lors de précédentes études, la majorité de ces effets indésirables étant cependant réversibles.
Des études précliniques aux essais sur l’homme
Si l’histoire des thérapies CAR-T semble récente, celle-ci a en réalité débuté dans les années 1990, lorsque l’immunologiste israélien Zelig Eshhar crée le premier récepteur chimérique à antigène.
Les recherches ont conduit les scientifiques à expérimenter cette nouvelle approche thérapeutique in vivo, sur des modèles animaux. La souris a globalement été le modèle privilégié et peut être utilisée de deux façons distinctes :
- au sein d’un modèle dit syngénique où ce sont les lymphocytes T de la souris et ses antigènes qui sont utilisés
- ou au sein d’un modèle de xénogreffe, où l’on utilise une souris immunodéficiente, des lymphocytes T humains et des antigènes de souris.
Ces deux modèles expérimentaux ont donné des résultats complémentaires qui ont fait avancer la connaissance de ces cellules CAR (1, 2).
En 2003 une étude a montré que des cellules CAR-T humaines ciblant l’antigène CD19 pouvait éradiquer le lymphome et la leucémie chez des souris immunodéficientes (3).
Les essais cliniques ont suivi. En 2010, une étude a montré de premiers bons résultats de la thérapie CD19 CAR-T pour traiter un patient atteint de lymphome (4), et a été suivie par une autre étude prouvant l’efficacité de cette approche pour le traitement de la leucémie lymphocytaire chronique (5). Parmi les trois patients ayant participé à cette étude clinique, deux ont été en rémission complète.
Depuis, on ne compte plus les essais cliniques en cours pour améliorer et peaufiner cette approche thérapeutique novatrice et porteuse d’espoir.
L’année 2017 a été marquée par l’approbation par la Food and Drug Administration des États-Unis de deux thérapies à cellules CAR-T, l’une nommée Kymriah (tisagenlecleucel-T) découverte par le laboratoire Novartis et l’autre nommée Yescarta (axicabtagene ciloleucel), mise au point par Gilead. Approuvé en août, Kymriah est un traitement destiné aux enfants et aux adultes de moins de 25 ans atteints de leucémie lymphoblastique récidivante et réfractaire, tandis que Yescarta est destiné aux adultes atteints de lymphome non-Hogkinien en rechute et réfractaire, et a été approuvé en octobre.
Rappelons ici que les premières recherche sur les cellules CAR remontent à 25 années ! La recherche a besoin de temps.
Les scientifiques s’attellent désormais à savoir si la thérapie CAR-T serait également efficace pour le traitement de cancers à tumeur solide tels que le cancer du sein ou encore le cancer colorectal. Des études sont également menées pour ajuster les traitements afin de limiter au maximum les effets secondaires.
Hélène Bour
Sources et informations complémentaires :
- https://www.lls.org/sites/default/files/National/USA/Pdf/LLS-CAR-T-cell-Therapy-Timeline.pdf
- https://www.jci.org/articles/view/83871
- https://www.cancer.gov/about-cancer/treatment/research/car-t-cells
- https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4507286/
- https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/19737958/
- https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/12579196/
- https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/20668228/
- https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21832238/