Jean-StĂ©phane Joly est coordinateur scientifique du rĂ©seau EFOR, le rĂ©seau d’Ătudes Fonctionnelles chez les ORganismes modĂšles. Il nous explique en quoi consiste ce rĂ©seau ainsi que lâinfrastructure TEFOR qui en a dĂ©coulĂ©.
Jean-StĂ©phane Joly est ingĂ©nieur agronome dâAgroParisTech, chef dâĂ©quipe de laboratoire INRA/CNRS de lâUMR 9197 de lâInstitut des Neurosciences Paris Saclay. DiplĂŽmĂ© dâun DEA en biologie du dĂ©veloppement et dâune thĂšse sur le poisson zĂšbre Ă lâInstitut Pasteur, il a rĂ©cemment parlĂ© du poisson zĂšbre dans un article de Le Monde et est actuellement le coordinateur scientifique de lâEFOR. Il a acceptĂ© de rĂ©pondre Ă nos questions.
RĂ©cemment vous ĂȘtes revenu sur la genĂšse du modĂšle poisson zĂšbre, dans un article de Le Monde. En quoi ce modĂšle est-il si intĂ©ressant selon vous ?
JSJ : â Câest un modĂšle qui est trĂšs utilisĂ© dans les laboratoires. On compte actuellement 220 Ă©quipes de laboratoires qui travaillent sur le poisson zĂšbre en Europe. Beaucoup de soutien a Ă©tĂ© apportĂ© Ă ce modĂšle, notamment aux Etats-Unis, oĂč il est considĂ©rĂ© comme prometteur en recherche biomĂ©dicale, notamment pour la mĂ©decine rĂ©gĂ©nĂ©rative.
Lâavantage de ce modĂšle, câest que câest un vertĂ©brĂ©, qui a tous les organes dâun vertĂ©brĂ©, le coeur, les reins, le cerveau⊠Il y a bien plus de types cellulaires Ă regarder que chez la mouche par exemple ! Et lâautre gros avantage, câest que lâembryon en particulier est trĂšs transparent. Ce modĂšle a beaucoup servi en microscopie avec des lignĂ©es fluorescentes notamment. Un usage trĂšs spectaculaire du poisson zĂšbre est dans le domaine de lâimmunitĂ© : on peut observer en temps rĂ©el au microscope des macrophages (des cellules du systĂšme immunitaire) qui mangent des bactĂ©ries par exemple.
La mĂ©taphore utilisĂ©e est celle dâun match de foot. Maintenant, grĂące au poisson zĂšbre, on voit le ballon dans le dĂ©tail et le match en direct, en film, et non plus simplement par le biais de photos. La rĂ©volution qui a eu lieu grĂące au poisson zĂšbre, ce que lâon a pu comprendre le dĂ©veloppement avec des films extrĂȘmement prĂ©cis. â
Vous ĂȘtes actuellement le coordinateur scientifique dâEFOR, le rĂ©seau d’Ătudes Fonctionnelles chez les ORganismes modĂšles. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste ce rĂ©seau ?
JSJ : â EFOR est un rĂ©seau dâanimation scientifique dont le but est de permettre Ă diffĂ©rents chercheurs de se rencontrer pour parler de leurs modĂšles expĂ©rimentaux. EFOR organise une rĂ©union annuelle oĂč des chercheurs, qui font parfois des travaux sur des modĂšles encore plus originaux que le poisson zĂšbre (xĂ©nopes, invertĂ©brĂ©s marins etc. ), se retrouvent pour Ă©changer sur les diffĂ©rents modĂšles animaux qui existent. Il sâagit pour lâinstant dâune rĂ©union entre chercheurs français ou du moins francophones, qui nâa pas vocation Ă ĂȘtre internationale.
De plus nous maintenons un site web, www.efor.fr, oĂč il y a des fiches sur les diffĂ©rents modĂšles (35 modĂšles animaux et 16 modĂšles vĂ©gĂ©taux), oĂč les chercheurs peuvent trouver des informations (sĂ©quençage du gĂ©nome, reproduction, avantages du modĂšle, infrastructures qui lâutilisentâŠ), des contacts dâautres chercheurs pour rĂ©pondre Ă leurs questions et les aider Ă dĂ©velopper le modĂšle, etc. â
Sur le site de lâEFOR, on constate quâil existe aussi lâinfrastructure TEFOR. Quâest-ce que TEFOR et quel est son objectif ?
JSJ : â Lâinfrastructure TEFOR est nĂ©e en 2013, trois ans aprĂšs la crĂ©ation du rĂ©seau EFOR. Il sâagit dâune infrastructure distribuĂ©e qui soutient la recherche chez deux modĂšles non mammifĂšres que sont le poisson zĂšbre et la drosophile (ou mouche du vinaigre, ndlr). Elle a Ă©tĂ© financĂ©e par le Programme des Investissements dâAvenir. Il sâagit de rĂ©unir diffĂ©rentes plateformes, qui sont elles-mĂȘmes des structures offrant des services pour les laboratoires de recherche. Le but est de faire travailler ensemble diffĂ©rentes plateformes, dans des domaines tels que lâĂ©dition du gĂ©nome, la transgĂ©nĂšse et le phĂ©notypage⊠En effet, les plateformes des instituts publics, qui proposent des services aux laboratoires, sont de petite taille. Elles ne pouvaient rĂ©pondre aux demandes trĂšs variĂ©es des laboratoires. Donc nous avons regroupĂ© plusieurs plateformes afin quâelles puissent se spĂ©cialiser Ă nouveau sur leur cĆur de mĂ©tier, et travailler mieux ensemble, pour ĂȘtre capable de rĂ©pondre avec un devis unique Ă©mis par un guichet unique Ă la demande des laboratoires. LâidĂ©e est aussi de mutualiser les ressources, car certaines recherches demandent des appareils (des microscopes par exemple) aux coĂ»ts trĂšs Ă©levĂ©s, qui ne sont pas toujours accessibles Ă tous les laboratoires. â
Comment rĂ©sumeriez-vous le but dâEFOR et de TEFOR pour le grand public qui ne les connaissent pas ?
JSJ : â Le but dâEFOR* comme de TEFOR* est dâamĂ©liorer le fonctionnement des laboratoires de recherche, soit en leur permettant de se rencontrer, soit en les aidant Ă changer dâorganisme modĂšle, soit en leur fournissant des ressources, au premier chef des lignĂ©es dâanimaux, dont ils ont besoin pour leurs recherches. EFOR vise Ă informer les Ă©quipes de recherche, pour les pousser Ă rĂ©flĂ©chir sur les modĂšles Ă utiliser, pour complĂ©menter un modĂšle avec un autre, Ă©conomiser des animaux de laboratoires, privilĂ©gier un modĂšle plutĂŽt quâun autre, notamment sâil est plus simple Ă utiliser ou plus acceptable sur le plan sociĂ©tal… TEFOR , qui fait dĂ©sormais partie de lâInfrastructure CELPHEDIA, contribue aussi Ă lâamĂ©lioration et la standardisation des protocoles et Ă la diminution du nombre dâanimaux utilisĂ©s.
Il nây a pas beaucoup de pays oĂč lâon favorise ainsi les rencontres et les coopĂ©rations entre les diffĂ©rents organismes modĂšles. GĂ©nĂ©ralement on a la souris dâun cĂŽtĂ©, le poisson zĂšbre de lâautre, la drosophile Ă part, mais rarement lâon encourage leur utilisation au sein dâun mĂȘme laboratoire pour une mĂȘme recherche. Câest une initiative assez originale, et je pense que ça a vraiment aidĂ© certains organismes modĂšles Ă se faire connaĂźtre, notamment ceux qui sont encore trop peu utilisĂ©s en laboratoire. â
*A noter que le rĂ©seau EFOR comme lâinfrastructure TEFOR comportent une manager, Johanna Djian-Zaouche qui sâoccupe des aspects opĂ©rationnels et administratifs.
Propos recueillis par HĂ©lĂšne Bour