L’administration orale de trois virus tuant la bactérie du choléra a permis de protéger deux modèles animaux contre cette infection et ses symptômes. Une éventuelle solution pour endiguer les épidémies de choléra particulièrement meurtrières. Explications.
Le choléra est une maladie diarrhéique et épidémique strictement humaine et due à des bactéries de l’espèce Vibrio cholerae. Bien qu’elle puisse être soignée par réhydratation, elle entraîne fréquemment de nombreux décès dans les pays les plus défavorisés, notamment en Afrique, où les conditions sanitaires, les conflits et les mouvements de réfugiés favorisent les épidémies.
A l’heure actuelle, pour éviter les épidémies, outre la mise en place de mesures d’hygiène strictes, il existe plusieurs vaccins à administrer en prévention. Malheureusement, leur efficacité diminue fortement après 6 mois et surtout, ces vaccins doivent être administrés au moins deux semaines avant que le patient ne rencontre la bactérie du choléra, sans quoi il ne sera pas protégé.
La phagothérapie comme nouvelle approche préventive
Désireux de trouver une stratégie préventive plus efficace, trois scientifiques de l’Université Tufts University School of Medicine de Boston (Etats-Unis) ont tenté une toute autre approche que celle de la vaccination : la phagothérapie.
Elle consiste à utiliser des bactériophages, des virus qui n’infectent et ne détruisent que certaines bactéries, ici le choléra.
Pour ce faire, et dans une première étude, les trois chercheurs ont identifié trois types de phages capables d’infecter Vibrio cholerae au sein de l’intestin humain, le site où a lieu l’infection chez l’Homme. En se fixant sur les récepteurs de la bactérie, ces virus, ou phages, l’empêchent d’agir et de provoquer le choléra. Seule une mutation de ses récepteurs permettrait à la bactérie de résister à ces phages.
Des résultats significatifs chez la souris et le lapin
Afin de tester cette hypothèse de traitement préventif, l’équipe a mené une série d’expérimentation sur deux modèles animaux : des souris et des lapins, tous à un stade jeune. Les animaux ont reçu oralement une dose d’un cocktail contenant les trois phages mélangés, à des intervalles allant de trois à 24 heures avant qu’ils soient infectés par une quantité standardisée de bactéries Vibrio cholerae. Résultat : chez plus de la moitié des animaux traités 3h avant infection, lapereaux et souriceaux confondus, les bactéries causant le choléra ont totalement disparu de l’intestin grêle. Chez les autres animaux traités, le nombre de bactéries a été réduit de 500 fois en moyenne par rapport aux animaux contrôles, non traités par les phages mais infectés par les bactéries. Globalement, c’est lorsque les individus ont reçu le traitement entre 3 et 12 heures avant l’infection que celui-ci a été le plus efficace. Les chercheurs n’ont par ailleurs constaté aucun signe de diarrhée ou de perte de poids significative chez les animaux traités quels qu’ils soient.
Ce traitement serait donc efficace même lorsqu’il est administré quelques heures seulement avant l’infection, ce qui le rend préférable au vaccin notamment pour l’entourage proche de personnes touchées par le choléra. En outre, cette phagothérapie a l’avantage de ne pas toucher aux bonnes bactéries du système digestif, contrairement aux antibiotiques, puisque les phages sont spécifiques d’un type de bactérie.
L’équipe, dont les travaux sont parus dans la revue Nature Communications ce 1er février, a désormais lancé des essais cliniques sur l’Homme, les premiers essais sur des modèles animaux ayant été concluants.
Hélène Bour
En savoir plus :