Une réflexion commune des Académies des sciences, de médecine, de pharmacie et de l’Académie vétérinaire de France portant sur la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques a été remise le 14 novembre au Commissaire européen à l’Environnement. Le point sur son contenu.
Dans la perspective de la révision de la directive 2010/63/UE relative à la protection des animaux utilisés à des fins scientifiques, quatre Académies scientifiques françaises, à savoir l’Académie des sciences, l’Académie nationale de médecine, l’Académie nationale de pharmacie et l’Académie vétérinaire de France ont adressé leur réflexion commune et leurs recommandations sur le sujet à l’Union européenne. C’est plus précisément le chef de cabinet de Karmenu Vella, Commissaire européen à l’Environnement, qui a reçu ces recommandations apportées par les représentants de chacune des Académies, le 14 novembre dernier.
Le but de cette visite était de remettre au commissaire le rapport des quatre académies avant la révision de la directive 2010, qui était prévue pour novembre 2017, mais qui a finalement été reportée à 2019. La revue de la directive a en effet été considérée comme prématurée par la commission, qui l’estime efficace et nécessaire. Toutefois, la Commission a entendu les remarques et recommandations des Académies, qui ont pu détailler leur analyse commune.
Un recours qui demeure encore indispensable
Avant de dévoiler leurs recommandations, les quatre Académies se sont attelées à expliquer en quoi l’expérimentation animale est encore indispensable aujourd’hui dans le domaine de la recherche scientifique, qu’elle soit fondamentale ou appliquée.
En effet, de la compréhension des maladies humaines et animales à l’élaboration de thérapies et à la mise sur le marché de nouveaux médicaments, l’expérimentation animale est une étape clé, qui apporte “une contribution encore irremplaçable”, notent les Académies. La maladie d’Alzheimer, les cancers, les maladies inflammatoires chroniques, les maladies génétiques sont autant de pathologies dont on ne sait encore pas tout et pour lesquelles il est urgent de trouver de nouvelles approches thérapeutiques. Et pour cela, l’expérimentation animale demeure une approche expérimentale essentielle.
Quant à la mise sur le marché de médicaments, elle ne pourrait s’effectuer sans des études préalables chez l’animal, pour l’étude des mécanismes d’action, de l’efficacité et de l’innocuité du produit, puisqu’il n’est pas question d’un point de vue éthique de remplacer l’expérimentation animale par l’expérimentation directement sur l’homme, même chez des volontaires, rappellent les Académies. Là encore, faute de modèles alternatifs efficaces, c’est encore majoritairement l’expérimentation animale qui est pratiquée avant les premiers essais cliniques chez l’homme.
De l’importance d’expérimenter en Europe
Les quatre Académies soulignent en outre qu’il est important que cette expérimentation sur animaux puisse s’effectuer en Europe, pour que l’Europe soit à même de réaliser ses propres expériences de façon indépendante, sans être amenée à les délocaliser dans des pays où la protection des animaux ne fait pas l’objet des mêmes règles strictes, notamment au niveau éthique. “Il convient donc de veiller à ce que la recherche européenne ne s’affaiblisse pas, dans un environnement international toujours plus concurrentiel”, soulignent les académies dans leur rapport.
Si les méthodes substitutives ont bien permis une réduction du nombre d’animaux utilisés à des fins scientifiques, les académies rappellent qu’à ce jour, aucune méthode substitutive connue ne permet de comprendre la globalité des interactions existant entre les organes au sein d’un même individu ou de reproduire les différentes fonctions d’un même organe. C’est pourquoi il est nécessaire d’avoir recours à l’animal dans son intégralité et sa complexité, le tout dans le respect des règles éthiques, et notamment celle des 3R – Remplacer, Réduire, Raffiner.
Cinq recommandations pour améliorer la protection des animaux utilisés en science
Considérant qu’il est pour l’heure impossible de s’affranchir de l’utilisation d’animaux à des fins scientifiques, les quatre académies ont présenté à Bruxelles leurs cinq grandes recommandations pour améliorer la protection de ces animaux :
- renforcer la vigilance sur l’application des textes imposant de ne recourir aux animaux à des fins scientifiques que dans le respect strict du cadre réglementaire et éthique formalisé par la Directive 2010/63/UE ;
- n’utiliser des animaux qu’en l’absence de méthode substitutive pertinente et après avis d’un comité d’éthique ;
- soutenir sans réserve les améliorations possibles en vue du bien-être des animaux utilisés dans les protocoles scientifiques ;
- éviter d’alourdir les contraintes administratives ;
- réexaminer et alléger les procédures réglementaires d’autorisation de mise sur le marché des médicaments à la lumière des progrès scientifiques récents, pour limiter le recours à l’expérimentation animale ;
- être prêt à répondre de manière explicite et pédagogique à celles et ceux qui s’opposent au recours à l’expérimentation animale.
Ces recommandations ont semble-t-il été écoutées et entendues par les membres de la Commission Européenne pour l’Environnement puisque l’entrevue avec les quatre représentants des académies a permis d’aborder tous ces aspects et plus encore. Les quatre représentants académiques se sont dits satisfaits de cette entrevue, qui s’est déroulée dans une atmosphère d’écoute et d’entente, sur un problème si complexe que celui de l’expérimentation animale.
L’avenir dira si ces recommandations et cet avis inter-académique seront pris en compte dans la révision de la directive 2010/63/UE, qui est reportée à 2019.
Hélène Bour
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