Association créée en 2014, White Rabbit offre aux animaux de laboratoires une retraite auprĂšs de familles d’adoptants. Nous avons questionnĂ© Julie Bienvenu, prĂ©sidente et cofondatrice de White Rabbit, sur la genĂšse, les projets et les succĂšs de l’association qui fĂȘte ses 10 ans.

Pouvez-vous vous présenter ?
Julie Bienvenu : Jâai fait des Ă©tudes dâhistoire puis de journalisme et jâen ai fait mon mĂ©tier. Lors de mes Ă©tudes, on mâa offert une lapine, qui a totalement changĂ© la suite de mon parcours ! Je dĂ©couvrais totalement cette espĂšce, et jâai appris Ă©normĂ©ment sur ses besoins, son comportement ou encore ses problĂšmes de santĂ©. Jâai Ă©tĂ© bĂ©nĂ©vole dans une association qui recueillait puis faisait adopter des lapins de compagnie abandonnĂ©s. Câest lĂ que jâai rencontrĂ© Doris Lou Demy, avec qui jâai fondĂ© White Rabbit en 2014. Je suis prĂ©sidente de lâassociation depuis 2020. Et nous fĂȘtons aujourdâhui nos 10 ans !
Quelles raisons vous ont poussée à vous occuper des animaux de laboratoire en particulier ?
JB : Doris Lou Ă©tant chercheuse, nous avons rapidement souhaitĂ© faire quelque chose pour les animaux de laboratoire. Nous avons alors dĂ©couvert quâil Ă©tait possible, et surtout lĂ©gal, de replacer les animaux en fin de protocole expĂ©rimental. Malheureusement, trĂšs peu de lapins bĂ©nĂ©ficiaient de la rĂ©habilitation, câĂ©tait Ă l’Ă©poque la deuxiĂšme espĂšce la plus utilisĂ©e en laboratoire. Nous avons donc souhaitĂ© mettre Ă profit notre expĂ©rience et nos connaissances de cette espĂšce en crĂ©ant White Rabbit en mai 2014.
Anniversaire
Le 25 mai, White Rabbit fĂȘtera ses 10 ans Ă la salle des fĂȘtes de mairie du 14e arrondissement de Paris. Au programme :
- Des Ă©changes avec les membres de l’association et ses partenaires privilĂ©giĂ©s ;
- L’illustratrice Margerie Leray exposera et vendra ses oeuvres ;
- La présentation du nouveau livre de White Rabbit, en partenariat avec Urban Sketchers Paris ;
- Des portraits d’animaux rĂ©habilitĂ©s ;
- Des conférences.
Pouvez-vous présenter White Rabbit ?
JB : Lâunique objectif de White Rabbit est la rĂ©habilitation des animaux de laboratoire. Lâune de nos missions est de faire connaĂźtre le concept de rĂ©habilitation auprĂšs du grand public mais aussi des scientifiques, qui sont encore trop peu nombreux Ă savoir quâil est possible de replacer les animaux. Le but est aussi et surtout de proposer une alternative concrĂšte Ă lâeuthanasie en prenant directement en charge les animaux, en les plaçant dans des familles dâaccueil bĂ©nĂ©voles et en les faisant adopter par des particuliers. Les animaux sont vraiment au cĆur de notre projet.
Lâassociation compte une quarantaine de bĂ©nĂ©voles et plus dâune trentaine de familles dâaccueil actives en permanence, ce nombre augmentant sur l’ensemble de l’annĂ©e. Une partie dâentre eux sont des scientifiques ou travaillent dans le domaine de la recherche et sont heureux de pouvoir leur offrir une seconde vie. En moins de 10 ans, White Rabbit a permis Ă plus de 2 600 animaux de sortir des laboratoires et de trouver un nouveau foyer.

Est-ce que White Rabbit ne s’occupe que des lapins de labo ? Quelles autres espĂšces d’animaux prenez-vous en charge ?
JB : Nous avons commencĂ© par prendre en charge les lapins, parce que câĂ©tait lâespĂšce que nous connaissions la mieux et nous souhaitions nous assurer que la rĂ©habilitation leur serait vraiment bĂ©nĂ©fique – ce qui ne fait plus aucun doute ! Puis, petit Ă petit, nous avons pris en charge dâautres espĂšces, Ă la demande des laboratoires : dâabord des rats, puis des souris et des poissons, des cobayes, des furets et depuis lâan dernier, des hamsters. Nous avons pu le faire grĂące Ă lâarrivĂ©e de nouveaux bĂ©nĂ©voles qui connaissaient bien leurs besoins.
White Rabbit reste spĂ©cialisĂ©e dans les NAC (nouveaux animaux de compagnie) car ce sont les plus nombreux Ă ĂȘtre utilisĂ©s en laboratoire et malheureusement trop souvent, les moins considĂ©rĂ©s.
Que pensez-vous du recours aux animaux pour la recherche ?
JB : Nous sommes trĂšs pragmatiques : il y a des animaux dans les laboratoires et certains peuvent ĂȘtre sauvĂ©s. Donc en attendant quâune recherche sans animaux soit possible, nous Ćuvrons pour en replacer un maximum dans les meilleures conditions possibles.
En attendant quâune recherche sans animaux soit possible, nous Ćuvrons
pour en replacer un maximum dans les meilleures conditions possibles.
Quelles sont les principales étapes du processus de mise à la retraite ? Comment cela se passe concrÚtement ?
JB : Les laboratoires nous contactent lorsquâils ont des animaux Ă replacer. Nous leur demandons alors un maximum dâinformations : Ăąge, sexe, nombre, par combien ils sont hĂ©bergĂ©s, le type de protocole ainsi que la date Ă laquelle ils sont sortants et combien de temps ils peuvent les garder. En effet, comme nous nâavons pas de refuge, nous devons nous assurer dâavoir une famille disponible pour les accueillir avant de valider la prise en charge. Le laboratoire doit faire un certificat vĂ©tĂ©rinaire et lâenvoyer aux directions dĂ©partementales de la protection des populations (DDPP) de dĂ©part et dâarrivĂ©e qui dĂ©livrent lâautorisation de replacement. Nous Ă©tablissons Ă©galement un contrat entre White Rabbit et le laboratoire. Enfin, câest un bĂ©nĂ©vole de lâassociation qui va chercher les animaux au laboratoire et les amĂšne aux familles afin de garantir la confidentialitĂ©. Ces dĂ©marches peuvent paraĂźtre lourdes la premiĂšre fois, mais les laboratoires ont la possibilitĂ© de demander des autorisations triennales pour les petits animaux.
Quelles sont les conditions de vie que vous offrez aux animaux une fois Ă la retraite ?Â
JB : Notre credo est vraiment que ces animaux aient les meilleures conditions de vie possible. Nos conditions dâaccueil respectent leurs besoins, notamment en terme dâhabitat : les lapins doivent vivre en semi-libertĂ© ou libertĂ© totale dans un environnement sĂ©curisĂ© au sein de la maison, les souris et les hamsters ont des cages de grandes dimensions, etc. Nous veillons aussi Ă ce que les animaux grĂ©gaires comme les rats ou les souris ne vivent pas seuls, Ă lâinverse des hamsters syriens qui sont solitaires. Le clichĂ© sur ces petits animaux qui se contenteraient de petits habitats persiste mais de plus en plus dâadoptants ont Ă cĆur de leur offrir le meilleur.
Il est important aussi quâils soient suivis par des vĂ©tĂ©rinaires qui connaissent bien ces espĂšces pour assurer les soins de base (check-up, vaccination, stĂ©rilisation) ainsi que tous les examens et traitements nĂ©cessaires. Les frais vĂ©tĂ©rinaires reprĂ©sentent dâailleurs plus de 60% de nos dĂ©penses.

Pourquoi avoir fait le choix de passer par des familles dâaccueil ?
JB : La famille dâaccueil permet dâavoir un suivi individualisĂ© de chaque animal, ou de chaque groupe dâanimaux. Elle va les sociabiliser et adapter progressivement leur mode de vie (nouvel habitat, changement dâalimentation, etc.). Lâassociation peut fournir si besoin le matĂ©riel et lâalimentation. Les bĂ©nĂ©voles sont lĂ pour accompagner et conseiller les familles. Cela permet aussi de mieux connaĂźtre les caractĂšres des animaux et donc de trouver les meilleurs adoptants.
Avez-vous des nouvelles réguliÚres des animaux que vous avez placés en retraite ?
JB : Nous avons des bĂ©nĂ©voles chargĂ©s du suivi post-adoption : ils continuent de suivre les animaux tout au long de leur vie. Cela nous permet aussi de donner des nouvelles aux personnes des laboratoires qui le souhaitent, souvent les animaliers qui prennent soin dâeux au quotidien.
Livre
Quand les animaux sortent du labo : Les petits protĂ©gĂ©s de White Rabbit posent pour les artistes dâUrban Sketchers Paris
Avez-vous des liens avec les autres associations impliquĂ©es dans le replacement d’animaux ?
JB : Il existe malheureusement trĂšs peu dâassociations spĂ©cialisĂ©es dans le replacement des animaux de laboratoire en France. White Rabbit a dĂ©jĂ pris en charge des animaux via le GRAAL. Nous plaçons aussi ponctuellement des animaux dans des associations NAC, qui sâoccupent dâanimaux abandonnĂ©s mais ont des conditions dâaccueil similaires aux nĂŽtres, comme Le Bazar des NAC ou Marguerite&Cie.
Depuis les débuts de White Rabbit, comment avez-vous vu les choses évoluer concernant la réhabilitation ?
JB : Il nous a fallu du temps pour que les laboratoires nous accordent leur confiance, puisque les premiers lapins ont Ă©tĂ© pris en charge un an aprĂšs la crĂ©ation de lâassociation. Dix ans plus tard, plus dâune quarantaine de laboratoires Ă travers la France ont rĂ©habilitĂ© des animaux avec White Rabbit, et plusieurs dâentre eux le font rĂ©guliĂšrement. De nombreux animaliers nous disent quâils seraient aujourdâhui incapables d’euthanasier sans rĂ©flĂ©chir au replacement de leurs animaux. Globalement on constate aussi que les animaux sont en meilleure santĂ© (changement de fournisseur aprĂšs avoir fait remonter aux laboratoires des soucis de santĂ© rĂ©currents par exemple) et sont aussi mieux sociabilisĂ©s au sein du laboratoire.
Il faut une vraie volonté publique pour que les choses changent,
que le replacement ne repose plus uniquement sur la bonne volonté
des associations et de quelques personnes au sein des laboratoires.
Quelles sont les difficultés ou les obstacles auxquels White Rabbit est confrontée dans le cadre de cette mission ? Que faudrait-il faire pour améliorer et faciliter la mise à la retraite des animaux ?
JB : Notre fonctionnement avec des familles dâaccueil limite nos capacitĂ©s de prise en charge, nous ne pouvons donc pas rĂ©pondre aux demandes concernant un nombre important d’animaux. Par contre, nous pouvons rĂ©pondre aux besoins spĂ©cifiques des animaux les plus fragiles ou ĂągĂ©s.
Lâassociation fonctionne uniquement avec des bĂ©nĂ©voles et lâencadrement des familles dâaccueil demande beaucoup de temps et de disponibilitĂ©. Pour pouvoir prendre en charge plus dâanimaux, il faudrait que lâassociation ait un salariĂ©, mais ce nâest actuellement pas possible car nous sommes financĂ©s quasi exclusivement par les dons des particuliers.
Nous avons bien conscience que notre modĂšle ne permettra pas d’offrir une retraite Ă tous les animaux de laboratoire : nous rĂ©habilitons environ 200 animaux par an, alors que plus de 2 millions sont utilisĂ©s. Il faut une vraie volontĂ© publique pour que les choses changent, que le replacement ne repose plus uniquement sur la bonne volontĂ© des associations et de quelques personnes au sein des laboratoires. Il faut que cela soit plus largement discutĂ©, prĂ©vu dans les budgets mais aussi que le nombre dâanimaux de laboratoire utilisĂ©s soit drastiquement rĂ©duit.
Témoignages
âJe suis bĂ©nĂ©vole pour White Rabbit depuis un an, je traite les demandes dâadoption pour les rats. M’occuper du soin des animaux de laboratoire, c’est mon mĂ©tier. Si j’ai choisi de rejoindre l’association, c’est pour pouvoir faire davantage pour eux. C’est vraiment gratifiant de pouvoir participer Ă offrir une seconde vie Ă ces animaux. Chaque rat replacĂ© est une rĂ©elle satisfaction personnelle et collective.â
Nicolas Lesueur, zootechnicien
et bénévole pour White Rabbit
âPassionnĂ©e par les souris et trĂšs sensible Ă la cause des animaux de laboratoire, devenir famille dâaccueil pour des souris rĂ©habilitĂ©es Ă©tait pour moi une Ă©vidence. Je leur offre un environnement de vie adaptĂ©, sĂ©curisĂ© et chaleureux et je contribue ainsi Ă leur bien-ĂȘtre et Ă leur sociabilisation jusquâĂ leur adoption. Câest une maniĂšre concrĂšte de participer au processus de rĂ©habilitation. Suivre lâĂ©volution de ces souris au fil des jours est pour moi un privilĂšge et une expĂ©rience incroyablement enrichissante. â
Carole Grange, famille d’accueil
souris pour White Rabbit
Quelques chiffres
- 2 636 animaux sortis de laboratoire en moins de 10 ans : 181 lapins, 606 rats, 218 souris, 1 541 poissons, 76 cochons dâInde, 4 furets, 10 hamsters
- 42 laboratoires partenaires
- 200 adhérents
- 70 bénévoles actifs en permanence (encadrants ou familles d'accueil)